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protégé Platon, — voir par exemple l’argument d’Euthydème ; — j’ajoute cela parce que vous voulez de ma critique, et je trouve très naturel que, n’étant pas satisfait de ce que vous avez trouvé dans un tel dialogue, vous y suppléez en donnant à attendre (sic) au moins où cela aurait pu être conduit. » Dans la même lettre, et en post-scriptum, il ajoute sur le même sujet : « Dans ce moment, il m’arrive un cahier du Lycée, je vois que je le dois à vous par un article dont vous êtes l’auteur ; je l’ai parcouru avec plaisir. Au reste, Kant tant au-dessous de Platon ! Les modernes au-dessous des anciens ! Sous beaucoup de rapports, sans doute ; mais pour la profondeur et l’étendue des principes, nous sommes en général sur une ligne plus élevée[1]. »

Voici enfin la grande année 1828 marquée par le triomphe du parti libéral en France. Nous voyons, par les lettres de Hegel, combien ce succès eut de retentissement en Europe, et quelle attente anxieuse l’avait précédé. « Mais comment ça va de votre travail et de votre assiduité ? Je n’ai rien appris de vous pendant tout l’hiver ; mais je me suis toujours figuré que vous ne vous êtes pas enfoui dans la solitude projetée au voisinage des vagues de la mer, et que vous avez préféré à leur brut rugissement d’être près de la musique du tocsin de l’énergie libérale dont Paris, toute la France et l’Europe retentissent. Je vous vois poussant de votre côté et rayonnant de satisfaction des victoires dont chaque jour de poste nous annonce une nouvelle ; je partage particulièrement avec vous la satisfaction de voir un professeur de philosophie à la tête de cette chambre dont la composition a si furieusement trompé les calculs des gens en place ; mais il reste encore beaucoup à faire, avant tout de rétablir vos cours. »

La rentrée de Victor Cousin à la Sorbonne fut, en effet, un des premiers actes de réparation obtenus par la victoire libérale. Les lettres de Cousin nous donnent quelques détails sur cet épisode intéressant de sa carrière. Après avoir parlé de la situation politique en général, et avoir caractérisé le ministère Martignac comme « un ministère de transition, » il disait :


« Je viens à moi. J’ai pris mon parti. Non, je ne veux pas entrer dans les affaires : ma carrière est la philosophie, l’enseignement, l’instruction publique. Je l’ai déclaré une fois pour toutes à mes amis, et je soutiendrai ma résolution. J’ai commencé dans mon

  1. Ce passage nous fait mesurer l’influence que Hegel exerçait sur Cousin. Cet article du Lycée fut réimprimé plus tard comme note à la traduction du Phèdre (tome VI) ; et le jugement qui mettait Kant au-dessous de Platon a disparu. Plus tard encore, réimprimé dans les Fragmens de philosophie, toute comparaison entre Kant et Platon a disparu.