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nouvelles aux passions radicales. Et quand, à tout cela, on vient ajouter la révision de la constitution, n’est-ce pas une manière de tout compliquer sans nécessité et sans profit, sans tenir compte des intérêts les plus immédiats et les plus pressans de la France ? La constitution, elle a suffi à tout jusqu’ici, elle n’est pas apparemment responsable de toutes les fautes qui ont été commises depuis quelques années ; elle sera ce qu’on la fera dans la pratique, et, quand elle serait revue, corrigée et augmentée ou diminuée aujourd’hui, on ne serait pas plus avancé demain. Ministres et partis qui veulent réviser la constitution agiraient plus utilement en se réformant eux-mêmes, en mettant dans leur conduite et dans leurs œuvres de tous les jours plus d’ordre et de suite, plus de raison et de modération prévoyante. Au lieu de dépenser une activité remuante et déréglée dans des réformes inutiles, on ferait beaucoup mieux de songer, non-seulement à ces affaires diplomatiques, financières ou morales qui sont la juste préoccupation du pays, mais à ces lois sans nombre qui sont pour le moment à l’ordre du jour des assemblées.

Non certes, le travail ne manque pas plus que les difficultés aujourd’hui. Il y a toutes ces lois militaires qui attendent depuis longtemps, qui ne seront pas toutes votées, il faut l’espérer, ou qui seront sérieusement remaniées, et qui ont provisoirement l’inconvénient de laisser l’armée dans une pénible incertitude. Il y a cette loi municipale qui est allée de la chambre des députés au sénat, qui reviendra infailliblement corrigée du sénat à la chambre des députés, et avec laquelle il faut bien en finir, si l’on ne veut pas ajourner indéfiniment des élections locales qui devraient être déjà faites. Il y a cette loi qui replace enfin la préfecture de police dans de meilleures conditions, et il n’était vraiment que temps de soustraire un des principaux services publics à cette représentation dérisoire de Paris, à ce conseil municipal, que le nouveau préfet de la Seine, M. Poubelle, contient de son mieux, quelquefois avec fermeté, mais avec qui l’état ne peut accepter d’être en conflit perpétuel. Il y a aussi cette question de la colonisation algérienne, qui a été perdue à la fin de la session dernière devant la chambre, parce qu’il y avait beaucoup d’argent à dépenser, peut-être aussi parce qu’il y avait des intérêts mal définis, — et sur laquelle on va revenir avec un projet sérieux, pratique, de M. le comte d’Haussonville, que le gouvernement aurait mieux fait d’accepter plus tôt. Il y a tout cela, et quand on aura songea l’essentiel, on reviendra si l’on veut, aux fantaisies, — ou peut-être aura-t-on oublié, chemin faisant, les choses inutiles, et la France n’y aura, en vérité, rien perdu.

Ce que sera l’année nouvelle pour toutes les nations de l’Europe, pour les intérêts du monde, on ne peut certes le pressentir encore après quelques jours écoulés. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’elle a commencé simplement et honnêtement, dans des conditions qui