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par une facture un peu lourde et par la dureté du coloris, mais la variété de leurs arrangemens dénote une grande richesse d’imagination. Les nombreux dessins de Brill que possède la collection du Louvre témoignent d’ailleurs de la multiplicité de ses études. On dirait que, comme il arrive assez souvent aux novateurs, le peintre a voulu prendre à la fois possession de toutes les parties de ce nouveau domaine conquis à l’art.

Après les Brill, et profitant des progrès qu’ils avaient réalisés, un autre étranger, l’Allemand Elsheimer, avait exercé sur le développement du paysage une influence que, dans la consciencieuse étude qu’il lui a consacrée, le savant directeur du musée de Berlin a eu raison de mettre en lumière[1]. Dessinateur habile et correct, Adam Elsheimer avait, dans des tableaux de petite dimension, traité les sujets les plus divers, s’efforçant de donner à chacun d’eux le caractère qui s’accordait le mieux avec la donnée choisie, appropriant la finesse de son exécution à la dimension de ses ouvrages, apportant un soin particulier à leurs premiers plans, et cherchant enfin à les rendre plus expressifs par les effets de lumière qu’il y introduit. Malheureusement, à ces qualités très réelles le peintre joignait une touche sèche et une couleur terne et opaque. A Rome, où il s’était établi dès sa jeunesse, Elsheimer n’en avait pas moins suscité une grande quantité d’imitateurs, et, dans cette colonie cosmopolite dont les Hollandais composaient la plus grosse part, on put compter, presque en même temps, Poelemburg, Breemberg, Uytenbroeck, Pinas et le maître enfin de Rembrandt, Pierre Lastman.

Il ne manquait pas, on le voit, de maîtres auxquels Claude aurait pu être confié. Comment, au lieu de s’adresser à l’un de ces artistes en vue, devint-il l’élève d’un peintre aujourd’hui tout à fait inconnu ? Les modiques ressources dont il pouvait disposer ne lui permettaient sans doute pas beaucoup de choisir, et, à peine son parent avait-il quitté Rome qu’elles se trouvèrent épuisées. Étranger au pays, n’en connaissant pas la langue, timide et dépourvu de tout savoir-faire, le pauvre enfant, ainsi livré à lui-même, dut traverser des jours bien difficiles ; mais, à défaut d’habileté, il était plein de courage et ne se laissait pas aisément abattre. C’est Baldinucci qui nous apprend qu’ayant quitté Rome à ce moment, il fit à Naples un séjour de deux ans, travaillant sous la direction d’un peintre de paysage originaire de Cologne, et nommé Godefroi Wals. D’après les informations que nous avons sur lui, Wals, en arrivant à Naples, avait commencé par y colorier des estampes ; puis, après avoir été à

  1. Studien sur Geschichte der holländischen Malerei, von Wilhelm Bode. Braunschweig ; 1883, Vieweg.