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(Déclaration du 15 décembre 1714). Ce remboursement en vingt ans n’offrait ni sécurité ni garantie. Un arrêt du conseil (9 mars 1715), qui avançait en mai le premier acompte, payable seulement en décembre, un édit (7 mai) qui créait une imposition spéciale et en affectait le produit à ce paiement, une déclaration (11 juin 1715) qui, revenant au procédé du tirage au sort, prescrivait de déterminer ainsi, le 2 juillet, les promesses qui seraient remboursées au mois d’octobre, ne parvinrent pas à rétablir la confiance que ces changemens continuels et tant d’incertitude devaient, au contraire, achever de détruire. Deux ans s’étaient écoulés depuis la paix, et les promesses de la caisse des emprunts, qui montaient à 147 millions de livres, alors qu’elles ne dépassaient pas 61 millions au 1er janvier 1708, perdaient 80 pour 100 sur le marché.

Lorsque des effets émis soit par l’état, soit par des particuliers, sont dépréciés, à raison du peu de confiance qu’inspirent ceux qui les ont créés, ils ne se transmettent plus pour la somme même qu’ils expriment, et l’écart entre leur pair et le prix auquel ils se négocient varie sans cesse. Ces variations deviennent l’objet de spéculations qui ne sont pas illicites si elles sont publiques et libres ; c’est la dépréciation de ce papier qui est un dommage pour la richesse publique, et ce dommage ne peut être imputé qu’à l’insolvabilité des débiteurs. Cependant, au commencement du XVIIIe siècle, on voyait dans ces spéculations des manœuvres coupables, et on considérait comme un fait d’usure l’achat d’un effet au-dessous de sa valeur d’émission. On pensait aussi que cet achat relevait le débiteur de l’obligation de rembourser intégralement ses billets, et qu’il s’acquittait largement en donnant à ses créanciers un peu plus qu’ils n’avaient payé eux-mêmes pour acquérir le titre qu’ils possédaient.

C’est la thèse à l’aide de laquelle les états ont toujours cherché à justifier leurs banqueroutes. La réduction arbitraire des rentes, en 1713, a déjà montré combien les notions les plus élémentaires des conditions du crédit public et du respect des engagemens de l’état étaient alors inconnues. On en trouve une preuve plus décisive encore dans les dispositions et les motifs d’un édit (août 1715) qui, au moment où le sort des promesses de la caisse des emprunts paraissait fixé, vint au contraire supprimer la caisse, en ordonnant que ses billets seraient remboursés en rentes au denier 25, mais, qu’après avoir été visés par des commissaires du conseil, ils ne seraient reçus que pour moitié du principal, ou même pour la somme qui serait liquidée, en ayant égard aux négociations qui seraient reconnues en avoir été faites. Le préambule de cet édit rappelle « que des attentions particulières et suivies pour assurer