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acquitté avec les pièces que ces espèces auraient servi à fabriquer, un arrêt du conseil du 19 septembre 1701 ordonna que, jusqu’à la fin d’octobre, des billets à courte échéance seraient donnés en échange de l’or et de l’argent versés à la Monnaie. Ces billets, que le roi s’engageait à rembourser le plus tôt possible, et qui avaient pour gages les espèces qu’ils représentaient, pourraient être reçus dans les paiemens comme argent comptant. L’exactitude avec laquelle ils furent payés leur donna beaucoup de faveur, et Cette nouvelle monnaie de crédit, qu’on continua à émettre après la fin d’octobre, fut souvent préférée à la monnaie métallique.

Il parut simple et commode de se procurer ainsi de l’argent, quand on en avait un si pressant besoin, et la caisse des emprunts, qui avait été fort utile à Colbert, et que Lepeletier avait si peu habilement liquidée, ne tarda pas à être rétablie (11 mars 1702). Cette caisse, instituée à l’hôtel des Fermes, devait délivrer, en échange des sommes qui y seraient versées, des promesses ou billets, à échéance fixe, en ajoutant au principal l’intérêt calculé à 8 pour 100.

Ce mode de crédit aurait pu être le salut de l’état, s’il avait été employé avec modération et prudence, si des fonds avaient toujours été tenus disponibles pour payer ceux des billets dont on aurait demandé le remboursement, si on eût laissé désirer l’abondance du papier de circulation : « Le grand art du crédit est de faire peu d’engagemens et de les acquitter exactement[1]. » Malheureusement, la détresse du trésor ne comportait pas alors cette sagesse et ces précautions.

Cependant la confiance était telle qu’elle ne fut pas ébranlée quand un arrêt du conseil (27 septembre 1703), ordonna que des billets du directeur de la Monnaie de Paris, au lieu d’être remboursés, continueraient provisoirement, « à être reçus pour comptant dans les paiemens, » parce que le travail de la réforme monétaire avait été retardé par quelques difficultés matérielles de fabrication. Il en fut tout autrement quand, quelques mois après, le gouvernement annonça[2] qu’on ne rembourserait en décembre, janvier et février, que les billets de 600 livres et au-dessous, que ceux de sommes plus élevées seraient convertis en d’autres billets payables en juillet seulement, mais avec un intérêt de 8 pour 100, qui fut réduit à 7 l’année suivante ; il était en outre permis de convertir les billets de monnaies en billets souscrits par les receveurs généraux. C’était indiquer que les espèces fabriquées avec l’or et l’argent dont ils avaient été le prix avaient été employées à acquitter

  1. Forbonnais, t. II, p. 132.
  2. Déclaration de décembre 1703 et arrêts du conseil de janvier 1704.