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bénéfices de la première réforme s’élevèrent à 25 millions, et ceux de la seconde à 52. Forbonnais évalue à 69 millions ceux des trois autres : en tout, 146 millions. Mais ce n’est là qu’un produit brut dont il faudrait déduire les frais de fabrication pour avoir le produit net, et ce produit net lui-même est plus apparent que réel ; il fut compensé pour le trésor par plus d’une perte.

Lorsque le cours des espèces fut surélevé, l’état vit nécessairement décroître, par suite de l’abaissement de la monnaie de compte, la valeur réelle et effective de ceux de ses revenus dont le montant était réglé en livres, sous et deniers ; il réalisa au contraire, il est vrai, un profit en payant avec une quantité moindre d’or et d’argent ses rentes et d’autres charges aussi réglées en monnaie de compte ; mais ses recettes étaient bien supérieures aux dépenses de cette nature. Si on ne considère que le produit net des revenus publics, il fut, en 1689, de 105 millions de livres, et de 107 en 1693 : il semble avoir augmenté de 2 millions. Mais, comme on l’a déjà fait remarquer, ces sommes, exprimées en livres dont la valeur est différente, ne sont pas comparables. Il faut s’attacher aux quantités d’or et d’argent qui furent versées au trésor en 1689, alors que la livre avait conservé son ancienne valeur, qui ne changea qu’au 1er janvier 1690, et celles qui furent versées en 1693, quand la seconde réforme avait élevé le cours des espèces : or on trouve qu’en 1689, le trésor reçut l’équivalent de 192 millions de francs, et en 1693 l’équivalent de 162 seulement. Le produit net des revenus, au lieu d’un léger accroissement, avait en réalité éprouvé une perte d’un sixième. Cette perte devint plus considérable quand les réformes de 1701, de 1704, de 1709 élevèrent encore le cours des espèces et diminuèrent la valeur de la monnaie de compte. La hausse et la baisse du cours des louis et des écus furent, il est vrai, alternatives ; mais ce cours ne redescendit jamais autant qu’il avait monté : le résultat général des réformes fut une hausse des espèces, une baisse de la monnaie de compte, une perte pour le trésor sur le produit net de ses revenus.

L’état eut en outre à supporter, pour toutes celles de ses dépenses qui n’étaient pas réglées à l’avance et d’une manière permanente en livres, sous et deniers, comme les gages des officiers publics, les effets de l’élévation des prix qui fut la conséquence de la diminution de valeur de la monnaie de compte. Si on peut admettre qu’à l’intérieur cette élévation des prix ne fut pas toujours et entièrement proportionnelle à la baisse de la livre, il ne faut pas perdre de vue que la guerre obligeait à faire au dehors, pour l’entretien de l’armée, des dépenses considérables, et, comme le dit avec raison Forbonnais : « les étrangers ne vendirent leurs marchandises et n’en reçurent le prix qu’à poids et à titre. »