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Gazette d’Amsterdam du 27 février 1696 : « C’est une chose glorieuse pour le parlement anglais, qu’il ait entrepris de soutenir d’une main le fardeau de la guerre et de l’autre le redressement des monnaies. On a réformé les monnaies en France, afin de les donner au public à un plus haut prix qu’elles ne valaient et d’y trouver une partie des dépenses de la guerre. Mais, en Angleterre, loin d’altérer l’ancien ordre, on entreprend de le rétablir, de remédier aux abus, d’en supporter la perte et de fournir en outre, aux frais immenses de la guerre. C’est l’œuvre de la nation elle-même qui sent ses forces et ses moyens, au lieu qu’en France l’autorité qui impose les taxes, n’ayant point de part au fardeau, le rejette sur qui bon lui semble. » Quelque sévères que soient pour la France ces paroles, et cette comparaison, on ne saurait en contester l’exactitude.

La réforme monétaire, ordonnée en 1693, était ai peine terminée, en 1699, qu’on commença à réduire (le 1er janvier 1700) le cours des espèces, comme ont l’avait fait en 1692 par un édit, et toujours aux dépens du public : ce fuit invariablement à cette époque le prélude sinistre de réformes nouvelles, de celle qui venait d’être effectuée et de celles qui le furent en 1701, en 1704, en 1709.

En 1701 et 1704, la réformation des espèces ne s’opéra pas sans difficulté : le trésor était si épuisé qu’il n’avait pas de fonds disponibles pour acheter et pour payer les espèces anciennes et les matières, et le directeur de la Monnaie de Paris fut obligé de faire accepter par ceux qui les lui apportaient des billets à courte échéance, qui devaient être acquittés au moyen des espèces nouvelles, au fur et à mesure qu’elles seraient fabriquées : l’exactitude avec laquelle ils furent d’abord payés accoutuma le public à les recevoir et à les négocier comme des lettres de change, et cette émission de billets remboursables à terme fixe inaugura une forme nouvelle d’emprunt qui prit rapidement un développement aussi considérable que périlleux pour le trésor.

En 1709, la réforma coïncida, avec l’arrivée, en France, d’un chargement de lingots d’or et d’argent venant des mers du Sud, et l’administration des finances, en les payant moitié comptant, moitié en assignations sur les recettes générales avec intérêt à 10 pour 100, put déterminer les négociant qui en étaient possesseurs à les porter aux Monnaies ; 30 millions de matières, frappés sans délai, devaient donner aux directeurs des Monnaies les moyens de payer comptant les espèces à réformer sans recourir à des émissions de billets qui étaient alors entièrement discrédités. Cet emploi de métaux non encore monnayés fit naître, en outre, la pensée de substituer des pièces d’un type nouveau, — des louis conservant le titre de 22 karats, mais un peu plus lourds que les