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déplaçait les intérêts, au profit des uns, au préjudice des autres, et toujours incontestablement sans justice et sans droit.

Le système monétaire reposait donc sur le rapport établi entre le poids et le titre des espèces et leur valeur exprimée en livres, sous et deniers. Or rien, ni dans la dénomination, ni dans l’empreinte des pièces, des louis d’or et des louis ou écus d’argent, ne constatait cette valeur : elle était fixée par un édit et, pour la changer, il n’était pas nécessaire d’avoir recours à une opération matérielle. Aujourd’hui, on ne pourrait modifier la valeur du franc sans être obligé de refondre toutes les monnaies existantes, ou sans les faire circuler pour une somme différente de celle qui est inscrite sur l’une de leurs faces : on pouvait au XVIIIe siècle élever ou abaisser le cours des espèces, sans leur faire subir une transformation réelle, sans modifier leur titre et leur poids ; il suffisait qu’un acte de l’autorité publique changeât la somme exprimée en livres, sous et deniers pour laquelle elles devaient être reçues dans la circulation.

En se servant de la même monnaie de compte pour exprimer la somme pour laquelle circulaient les espèces soit d’or, soit d’argent, on avait par cela même établi un rapport légal de valeur entre les deux métaux, comme on l’a fait de nos jours, quand la loi a décidé que le franc serait à la fois un poids déterminé d’or et un poids déterminé d’argent, ainsi 8 louis ou écus d’argent et 11/12, taillés dans un marc de métal à 11 den. 11 gr. 11/23 de loy, avaient cours chacun pour 3 livres, et 36 louis d’or et 1/4, taillés dans un marc d’or à 22 kar. avaient cours chacun pour 10 liv. 15 s. : il est facile d’en déduire par le calcul que la livre (ou 20 sols) représentait à la fois un poids d’argent fin et un poids d’or fin qui supposait entre les deux métaux le rapport de 14.96. Notre système monétaire actuel, qui a le franc pour expression commune des deux métaux, repose sur la présomption que le rapport de leur valeur est de 15.50. Le franc ne sert de dénomination commune aux espèces d’or et à celles d’argent qu’à la condition que le kilogramme d’or soit considéré comme valant 15 kilogrammes et demi d’argent. En septembre 1666, la livre ne servait de mesure commune aux espèces d’or et d’argent alors en circulation qu’à la condition que le kilogramme d’or fût considéré comme valant 14 kil. 96 d’argent.

Enfin le gouvernement avait le monopole, non-seulement, comme aujourd’hui, de la fabrication matérielle de la monnaie, mais aussi de l’opération commerciale qui consiste à convertir des matières d’or ou d’argent en monnaies.

Telle était l’organisation générale du régime monétaire à la fin du XVIIIe siècle ; elle permettait, elle rendait même faciles, sans les