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plutôt venir du dedans que du dehors. Aussi, laissant de côté les conciliateurs étrangers et cette sorte de deus ex machina de la diplomatie, dont la problématique intervention peut longtemps se faire attendre, préférons-nous examiner quelles chances de réparation peuvent s’offrir au saint-siège en Italie ; quelles sont pour lui les probabilités et les difficultés d’une réconciliation avec la nouvelle monarchie. Dans ce grave différend de la papauté et de l’Italie, dans cet interminable procès de la chaire romaine et d’un des peuples qui ont fait le plus d’honneur à l’église, le règlement le plus simple serait, comme en toute affaire litigieuse, une entente directe entre les deux parties. Reste à savoir si, après leurs longs débats, en dehors même de leurs griefs réciproques, une pareille entente est encore possible.


II

C’est en Italie, peut-on dire aux catholiques, qu’est le principe du mal, c’est là que doit être cherché le remède. C’est la révolution italienne qui a renversé l’antique maison royale des papes ; c’est dans le sol italien que les papes doivent creuser patiemment les fondations de la demeure qu’ils sont obligés de rebâtir. Là est encore le terrain le plus sûr et le moins périlleux. On paraît le sentir au Vatican. Léon XIII, tout le premier, sans rien négliger pour se ménager des appuis extérieurs, ne cesse de répéter que le saint siège n’est pas l’ennemi de l’Italie, qu’il en a toujours été l’honneur et le bienfaiteur[1]. On le sent encore davantage dans le clergé et parmi les fidèles de la péninsule, chez tous ceux qui souffrent de l’apparent conflit de leur sentiment national et de leur foi religieuse. Clercs et laïques, du père Curci et des conseillers de la résignation aux plus ardens fauteurs des revendications temporelles, se plaisent à rappeler qu’en aucun pays le peuple n’est demeuré aussi catholique, et, malgré ses démêlés avec elle, aussi attaché à la chaire romaine. De tous les états, c’est encore, dit-on, l’Italie qui accorde à l’église le plus de liberté réelle ; c’est le pays le plus sévèrement traité par la papauté qui serait le plus généreux pour le saint-siège, à condition qu’on ne lui demandât plus de se suicider ou de se mutiler lui-même.

Une chose hors de doute, c’est qu’en aucun pays de l’Europe il n’y a autant d’hommes soucieux de la dignité du siège apostolique et désireux de le voir se réconcilier avec le gouvernement

  1. Voyez, entre autres, le discours aux pèlerins italiens en octobre 1883.