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que, du pape Etienne II à Pie IX, le saint-siège en a si souvent provoqué, les interprètes les plus autorisés de la cour romaine protestent qu’elle n’en a même pas la pensée. Ils répudient patriotiquement la politique qui appelait « les barbares » en Italie et faisait descendre des Alpes les lourds « troupeaux » de Francs ou de Germains[1]. Et cela, ils le font assurément de bonne foi, reconnaissant spontanément que compter sur une intervention armée du dehors est une illusion et que, dans l’état actuel de l’Europe, une occupation étrangère permanente n’est plus possible[2] ; sentant en outre que la chaire romaine est la première intéressée à ne pas blesser mortellement le sentiment national du noble pays qu’elle habite. Dans leur crainte de compromettre la cause pontificale en la rendant suspecte aux Italiens, les plus politiques des membres du clergé vont même jusqu’à repousser l’intervention diplomatique aussi bien que l’intervention militaire de l’étranger[3].

On n’en est pas encore là au Vatican. L’on n’y a pas renoncé à l’espérance de voir les gouvernemens, entraînés par l’instinct de la conservation et le besoin de mettre un frein au radicalisme, chercher de concert à asseoir d’une manière plus certaine la situation du pontife, à lui assurer des garanties plus larges et plus solides que les guarentigie de 1871. On compte sur la diplomatie pour peser sur l’Italie et obtenir au pape de meilleures conditions. Ce rêve est-il lui aussi une chimère ? Cela dépendra surtout, cela dépendra presque uniquement de l’Italie, de sa prudence, de la façon dont elle saura respecter les libertés du pape et montrer au monde qu’il est libre. S’imaginer que les puissances se désintéresseront jamais d’une question d’un caractère aussi général, qu’elles abdiqueront entièrement le droit d’y veiller, ce serait, en effet, de la part du Quirinal, une non moindre illusion que l’illusion des catholiques qui se représentent une intervention de la diplomatie comme certaine et prochaine. A nos yeux, la papauté doit plutôt compter sur les puissances pour consolider ou renforcer les garanties de 1871 que pour y substituer quelque combinaison nouvelle. Si, comme tout l’indique, le saint-siège refuse de laisser jeter un pont entre le Vatican et le Quirinal, s’il persiste à protester contre la loi des garanties, s’il prétend à tout prix modifier la situation que Léon XIII a déclarée intolérable, c’est moins au nord qu’au sud des Alpes, moins vers l’étranger qu’en Italie même qu’il doit porter ses regards et ses efforts. La solution, s’il peut y en avoir une, doit

  1. Gallici Armenti, de Filicaja.
  2. Voyez la brochure il Papa e l’Italia.
  3. Je citerai, par exemple, M. Savarese, Ultima Fase della quistione romana.