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dernier à propos des affaires d’Égypte, à ce moment où une crise ministérielle a été suivie aussitôt d’une humiliante abdication de la politique française ? Non, assurément, ce qu’il y avait de plus pressé, ce n’était pas de renverser le ministère, d’autant plus qu’on ne voit pas bien comment on le remplacerait, comment on passerait mieux le gué en changeant de chevaux pendant l’opération, pour emprunter l’image d’Abraham Lincoln, rappelée par M. Léon Renault. Il n’est pas moins assez singulier, même assez pénible, d’en être réduit d’un commun aveu à soutenir un cabinet parce qu’on ne peut pas agir autrement, et c’est ce qui fait que cette question ministérielle qui s’est jointe à la question même de notre politique dans l’extrême Orient ne paraît pas résolue d’une manière bien victorieuse, surtout bien durable. On a donné un vote au ministère, et si on n’a pas tout à fait ruiné son crédit, comme on l’a prétendu, on ne lui a sûrement pas donné une autorité bien établie. Voilà la vérité !

M. le président du conseil, après tout, a la situation qu’il s’est faite par une politique qui ne peut guère l’aider à réaliser son ambition de reconstituer un gouvernement. Comment retrouverait-il l’autorité d’un gouvernement sérieux avec le système de perpétuelles équivoques qu’il suit dans nos affaires intérieures ? Il y a en ce moment à Lodève une élection qui vient de se faire, où se sont trouvés en présence deux candidats. L’un est un homme de talent, un économiste de premier ordre, nullement adversaire de la république, mais républicain sensé et libéral, c’est M. Paul Leroy-Beaulieu ; l’autre est un préfet démissionnaire qui s’est empressé de souscrire au programme radical, à tout ce que le gouvernement a l’air de repousser. Auquel des deux candidats croit-on que le ministère ait donné ses préférences ? Il les a données tout bonnement au candidat radical, qui a eu à son service toutes les forces de l’administration, toutes les ressources de la candidature officielle. M. le président du conseil se figure-t-il faire longtemps illusion avec des déclarations toujours démenties par les actes ? Croit-il se créer ainsi une situation où il puisse avoir l’autorité nécessaire pour diriger utilement, honorablement les affaires extérieures et intérieures de la France ?

Le chapitre des combinaisons ou des mystères diplomatiques, des visiter princières et de l’imprévu reste, à ce qu’il paraît, toujours ouvert en Europe. On le dirait du moins, à voir l’importance attribuée à ce voyage, que le prince Frédéric-Guillaume de Prusse vient de faire on Espagne et qui est suivi d’un autre voyage tout aussi inattendu, tout aussi énigmatique du prince en Italie, à Rome même. Ce n’est point qu’il y ait rien d’extraordinaire dans cette excursion de l’héritier de l’empire d’Allemagne au-delà des Pyrénées, d’une visite rendue au jeune roi d’Espagne ; à un autre moment, c’eût été tout simple. Il est bien certain cependant que, par les circonstances dans lesquelles il