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inaugurée l’an dernier ; l’histoire des croisades en occupe la plus large part.

Quant au livre de M. Léon Gautier, nous croyons devoir le recommander, comme on dit, tout particulièrement. S’il n’éclaircit pas le problème, plus d’une fois proposé par les académies et jamais résolu, de l’origine de l’esprit chevaleresque et de la chevalerie, c’est du moins, sur la chevalerie une fois passée à l’état d’institution militaire et sociale le traité le plus curieux et le plus savant. On pourrait reprocher à l’auteur d’abuser du témoignage des Chansons de geste, s’il n’avait pris lui-même la précaution de nous dire que la chevalerie fut bien moins une « institution » qu’un « idéal, » C’est encore une question que de savoir s’il avait le droit d’éliminer du « chevaleresque » et de la chevalerie le sentiment de l’amour, ou plutôt c’est le problème même ; et dire de la chevalerie « qu’elle est la forme chrétienne de la tradition militaire » c’est l’avoir ingénieusement tourné, non pas tranché. Mais, après ces réserves faites, cet excellent livre est indispensable à quiconque désirera se faire une juste idée du moyen âge, et qui n’aura pas peur, en l’admirant pour ce qu’il eut d’effectivement admirable, d’être accusé de vouloir y ramener la démocratie française.

Peut-être aurions-nous dû classer parmi les livres d’art, en raison d’e la forme sous laquelle il reparaît aujourd’hui, l’ouvrage de M. Charles Yriarte : la Vie d’un patricien de Venise au XVIe siècle[1]. Mais si les dessins de Palladio et les fresques du Véronèse, comme ils en ont jadis été le point de départ, sont devenus en quelque sorte le thème de l’illustration du livre, ceux qui connaissent les travaux de M. Charles Yriarte savent assez que la valeur proprement historique de l’ouvrage est égale pour le moins à ce qu’il peut avoir d’intérêt artistique. Cette restitution de la vie, non-seulement publique, mais intime, d’un patricien de Venise au XVIe siècle, est l’un des livres les plus curieux et les plus instructifs à tous égards que l’on puisse lire. Ce serait en même temps, pour le caractère tout artistique de l’illustration, un des plus séduisans volumes d’étrennes que l’on pût feuilleter, — si l’exécution n’en laissait un peu à désirer.

C’est presque encore un livre d’histoire que le second volume du grand ouvrage de M. Victor Guérin sur la Terre Sainte[2]. Nous l’avons déjà dit : cette description de la Palestine et des régions avoisinantes n’est pas le carnet d’un voyageur qui passe, ou le journal d’un simple touriste ; c’est vraiment un « état des lieux » dressé par un explorateur consciencieux et compétent. On sait qu’il n’est pas donné à tout le monde de voyager utilement ; et surtout en pays oriental. Je crois que les simples curieux liront avec plaisir le nouveau

  1. 1 vol. in-8o ; Rothschild.
  2. 1 vol. in-8o ; Plon et Nourrit.