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En dirons-nous autant de celles de Gustave Doré pour le poème fameux d’Edgar Poë, le Corbeau[1] ? Sans méconnaître ce qu’il y a là, dans ces vingt-cinq grandes pages, de puissance incontestable et de mysticité fantastique, — assez conformes au goût de l’original, — nous aurions bien quelques critiques à formuler et plus d’une réserve à faire. À quoi bon, puisque le maître illustrateur n’est plus là pour les discuter ? Disons donc seulement qu’en dépit de tous, on ne peut guère s’empêcher, quand on a fermé ce bel album, de le rouvrir. Il ne plaît pas d’abord, mais il étonne ; et tout le monde sait que l’étonnement est le commencement de l’admiration.

Où l’on peut louer plus franchement la verve de Doré, c’est dans cette nouvelle édition du Rabelais[2], dont on nous donne aujourd’hui le premier volume. Je ne crois pas, en effet, qu’il ait jamais été plus heureux que dans cette interprétation des mirifiques aventures de Pantagruel et des dits éternellement mémorables de Panurge ; à moins que ce ne soit dans son illustration des Contes drolatiques d’un autre illustre Tourangeau. C’est aussi bien la même veine. Il y a peut-être de plus belles pages dans l’œuvre considérable, mais malheureusement trop hâtive et trop précipitée de Gustave Doré : je doute qu’il ait fait preuve nulle part ailleurs de la même abondance et continuité d’inspiration que dans ce Rabelais.

Une des belles publications de l’année sera certainement la Mireille[3] de Frédéric Mistral, traduite par l’auteur, accompagnée du texte, admirablement imprimée, et enfin illustrée de vingt-cinq eaux-fortes et de cinquante-trois dessins de M. Eugène Burnand. Rien à dire des dessins que pour en louer de grand cœur l’ingéniosité, la finesse et la remarquable légèreté d’exécution. Les eaux-fortes sont plus inégales. Il y en a de bien venues, d’heureusement imaginées, où les plaines poudroient sous l’aveuglant soleil de Provence ; mais il y en a de moins bien venues. Je ne dirai rien de ces dernières. Parmi les premières, je signalerai tout particulièrement la Cueillette, la Ferrade, Mireille au puits et la Mort de Mireille.

Sous le titre de : Directoire, Consulat et Empire[4], le nouveau volume du bibliophile Jacob complète et termine cette longue et curieuse enquête patiemment poursuivie pendant bien des années sur ce que l’on pourrait appeler l’histoire privée de l’ancienne France. Dans cet ouvrage comme dans les précédens, on trouvera bien des renseignemens, de ceux dont on a si souvent à regretter le manque dans la grande histoire. On y trouvera surtout de ces renseignemens parlans, que l’image est seule capable de donner sur la vraie physionomie d’un

  1. 1 vol. in-fo. Londres ; Rivington. Paris ; Terquem.
  2. 1 vol. in-4o ; Garnier frères.
  3. 1 vol. in-4o ; Hachette.
  4. 1 vol. in-8o ; Firmin Didot.