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par la bouche, de façon qu’en s’épanouissant elle vînt remplir l’âme et s’incruster dans les rayures, on n’eut plus qu’à introduire par la culasse des balles d’un calibre égal à celui de l’âme ou même plus fort.

C’est à Pauly, armurier[1] anglais établi en France, que paraît due la première construction d’une arme à culasse mobile avec système percutant. L’inflammation de la charge, au lieu d’être produite par l’etincelle jaillissant d’un briquet à silex (pierre à fusil), se produisait à l’aide d’une amorce fulminante qui était écrasée par une tige de fer mise en mouvement par la pression du doigt sur la détente. Au mois de janvier 1813, le duc de Rovigo écrivait à l’empereur :


Sire, il existe à Paris, rue des Trois-Frère ?, no 4, un armurier nommé Pauly, qui est inventeur d’un fusil propre à l’usage des troupes, qui paraît une découverte extrêmement avantageuse.

Sur l’avis que j’ai eu que l’on cherchait à lui acheter son secret, je l’ai fait venir et lui ai fait apporter son arme. En ma présence, dans mon jardin, il en a tiré vingt-deux coups à balle dans deux minutes. J’en ai été si étonné que je lui ai demandé si le général Gassendi, du comité d’artillerie, avait vu cette découverte. Il m’a dit que oui, mais qu’il n’en entendait plus parler et qu’il était dans le besoin. J’ai pris alors sur moi de lui demander son fusil, que j’envoie au cabinet de Votre Majesté, parce qu’il m’a paru digne de sa curiosité.

… Je demande pardon à Votre Majesté, mais l’expérience que j’ai vu faire chez moi m’a rendu enthousiaste de cette arme, surtout pour les pistolets, qui sont si difficiles à recharger dans la cavalerie.


L’empereur fit examiner ce fusil par une commission, et lui-même le fît tirer en sa présence, à Gros-Bois, le 19 janvier 1813. Il était expéditif, comme on sait. Il se déclara, en principe, favorable au nouveau système : « Les essais, dit-il, n’ont pas encore satisfait complètement à toutes les conditions, mais tout porte à espérer un bon succès des progrès que font les arts chimiques et mécaniques ; lorsque les améliorations seront adoptées, le feu sera plus actif. » Il est probable que, si la guerre n’avait interrompu les études entreprises sur ce sujet, elles eussent abouti à l’adoption du chargement par la culasse. Mais il n’y a que les périodes de paix qui permettent de préparer et d’effectuer les transformations de matériel.

C’est ainsi que, dans cette longue retraite de la Prusse, qui dura d’Iéna à Sadowa, ou plutôt de 1815 à l’affaire du Schleswig-Holstein

  1. Certains disent colonel.