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pendant toute une année, de montrer les conditions, les lois de ce genre de certitude, et de constituer sur des bases assurées la logique de la conviction dans cet ordre le plus élevé du savoir, en dehors de cette évidence positive qui enlève tout droit, tout prétexte même à la résistance, en dehors de cette rigueur absolue de raisonnement qui est irrésistible à la passion, à la mauvaise foi, à certains aveuglemens de nature et de système. La vérité philosophique exige, pour être saisie, les plus rares facultés d’intuition et d’analyse ; mais elle ne s’impose pas comme s’impose une propriété du triangle ou un théorème de mécanique. Tout l’appareil géométrique de l’Éthique ne change rien à la nature de la vérité que Spinoza croit saisir. Elle reste fluide, et jusqu’à un certain point libre, à travers tout ce rigide appareil, elle échappe à ces étreintes d’un procédé mathématique qui n’est pas à sa place. C’est la noblesse de la philosophie d’avoir des vérités de cet ordre; c’est son désavantage aussi aux yeux des esprits absolus qui n’admettent qu’un genre de démonstration; c’est aussi là souvent l’angoisse secrète et parfois le désespoir de ceux qui, jouissant pour eux-mêmes de cette clarté souveraine de l’évidence dans un certain ordre de problèmes, ne parviennent pas toujours ni à l’imposer aux esprits réfractaires, ni même à la communiquer avec cette même clarté aux intelligences qui la cherchent. Qu’en faut-il conclure, sinon qu’il y a d’autres sciences que la science positive, et que tout savoir ne doit pas être nécessairement mesuré au degré de vérification possible et soumis aux règles du calcul ?

Tel a été le programme très général de notre cours et l’esprit dans lequel ce programme a été rempli. Nous passerons rapidement sur les applications nombreuses et variées que nous en avons faites. Nous avons dû analyser les élémens irréductibles de nos intuitions rationnelles, les a priori qui sont le dernier fonds de la raison; nous avons cherché, sinon la vérification positive de ces intuitions, du moins leur confirmation dans l’histoire des religions, dans l’histoire de la philosophie, dans l’étude scientifique du monde. Nous avons fait converger ces longues études préliminaires vers cette double question : Y a-t-il de la finalité dans le monde, et à quel signe peut-on reconnaître qu’il y en a? Enfin, s’il y a une finalité instinctive, que prouve-t-elle? Peut-on admettre qu’il y ait dans la matière une finalité instinctive, qu’il y ait, comme on l’a dit, dans le premier atome un ressort de progrès qui soit le principe secret de ses métamorphoses, la première et la dernière raison de ses évolutions mystérieuses? Et nous avons amené le problème à ce dilemme fondamental : ou la nécessité mécanique à l’origine des choses ou plutôt sans origine des choses, ou la pensée au commencement du