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un emprunt pour l’état, devenait une imposition pour la ration. Ce fut le mode adopté pour un grand nombre d’offices commerciaux et industriels : il fut appliqué plus rarement aux fonctions publiques.

Les gages des nouveaux officiers et les augmentations de gages des anciens, quand ils étaient payés par le trésor, et c’était le cas le plus fréquent, constituaient des charges annuelles qu’accroissaient chaque année les opérations nouvelles, et qui, le plus souvent assignées directement sur les revenus ordinaires, en diminuaient le produit net, alors que la prolongation de la guerre, l’appel au crédit sous les formes les plus diverses, la variation des monnaies, les disettes, se réunissaient pour atteindre la richesse publique et privée, les impositions, les revenus bruts de l’état dans leurs sources les plus productives.

Cependant, tandis que les revenus publics décroissaient, les affaires extraordinaires avaient pour effet de rendre le poids des impôts plus lourd pour les populations. Les exemptions et les privilèges accordés, sans mesure, aux acquéreurs des nouveaux offices aggravaient la charge d’une partie des contributions, en diminuant le nombre de ceux qui les supportaient. On exempta de la taille, du logement des gens de guerre, de l’ustensile[1], des fonctionnaires importans, comme les trésoriers généraux à Paris, et des agens d’un ordre peu élevé, comme les greffiers des actes de l’état civil ; les maires, les lieutenans de maires, les assesseurs, les jurats, les capitouls, dans les villes et dans les villages ; les subdélégués des intendans et les officiers des présidiaux et des greniers à sel ; les contrôleurs des exploits et même les greffiers de l’écritoire des revues et logemens des gens de guerre, etc. En 1691, l’intendant de Guyenne cite déjà un receveur des consignations, « qui a acheté sa charge 1,500 livres, et qui prétend se faire exempter de 400 livres de taille et d’ustensile qu’il a payées jusque-là. » Dans une autre dépêche, il signale la moindre ville de son intendance comme ayant au moins dix exempts, sans compter les maires, les procureurs du roi et greffiers : « Ces exemptions, dit-il, se multiplient dans des lieux où les offices sont complètement inutiles, au profit même des gens les plus haut imposés. Dans un an, il n’y aura plus dans toutes les paroisses que les plus misérables pour payer les subsides. » À la même époque (novembre 1691), l’intendant de Touraine

  1. On donnait le nom d’ustensile à la contribution quotidienne allouée aux troupes en quartiers d’hiver. Suivant l’ordonnance du 27 décembre 1675, la levée des sommes destinées à la fourniture des fourrages et au paiement de l’ustensile était faite par les syndics des paroisses, d’après des rôles où elles étaient imposées au sou pour livre de la taille, plus 3 deniers alloués à l’extraordinaire des guerres pour le maniement des deniers.