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Une foule de métiers furent en quelque sorte confisqués au profit du trésor et devinrent des monopoles. On n’eut plus la liberté de se faire essayeur d’or, emballeur, essayeur de bière, etc. Parmi ces folies, celle qui créa des offices héréditaires de barbiers-perruquiers a été souvent signalée à la risée publique ; elle a cependant son côté sérieux, car aucune ne montre à ce point combien l’administration était aveugle et irréfléchie. On commença par créer à Paris (1691) 100 charges de barbiers-perruquiers qui furent vendues 300,000 livres ; dans les provinces, le prix de charges semblables (avec celui d’offices de contrôleurs et essayeurs d’étain, qui furent négociés en même temps) s’éleva à un peu plus d’un million. Leur nombre s’accrut successivement : de 1689 à 1714, on en créa 550. À moins d’avoir des lettres du grand sceau, personne ne put raser et coiffer sans s’exposer à une amende de 500 livres. On ne s’arrêta pas dans cette voie et le monopole des perruquiers fît établir un droit de Contrôle sur les perruques par un édit (janvier 1706) dont les termes ne peuvent être passés sous silence. « L’usage des perruques, dit le roi, étant devenu très commun et ne contribuant pas moins à l’ornement de l’homme qu’à sa santé, nous avons créé des lettres de maîtrise,.. afin que le public pût être mieux servi et avec fidélité ; mais comme nous sommes informés que plusieurs particuliers, sans expérience et sans titres, s’ingèrent à faire des perruques et ôtent aux maîtres l’avantage qu’ils ont espéré tirer de leurs lettres, nous croyons que le moyen le plus sûr pour empêcher ces abus et le préjudice que le public en souffre est de faire marquer à l’avenir toutes les coiffes des perruques qui seront faites par les perruquiers et de les faire exercer, au moyen de quoi ceux qui travaillent sans lettres seront facilement découverts… » Le fisc d’ailleurs y trouvait son compte, car le droit du contrôle des perruques fut aussitôt affermé moyennant 210,000 livres par an. Il est vrai que, six mois après, des réclamations très vives s’étant élevées dans un grand nombre de villes, et notamment à Marseille et à Lyon, le directeur des finances, Desmarets, qui, le 18 avril, recommandait instamment aux intendans « d’accorder au fermier du contrôle des perruques et à ses commis toute la protection nécessaire, » écrivait le 11 juillet : « … Mais ce droit est si odieux et les difficultés pour en faire la levée sont si grandes qu’il serait à désirer qu’on n’y eût jamais songé, et je doute qu’on puisse conserver cet impôt. » En effet, le roi, informé que le contrôle sur les perruques ruinerait un grand nombre de familles, ne tarda pas à le supprimer ; mais le monopole des officiers barbiers-perruquiers fut maintenu[1].

  1. Correspondance du contrôleur-général avec les intendans, t. II, no 1014, 1027, 1035, 1050, 1066.