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qu’on appela paulette, du nom de Paulet, secrétaire du roi, qui en fut l’inventeur et le premier fermier.

Dans cette organisation des offices publics, on donnait le nom d’augmentations de gages à un supplément de traitement que le roi accordait à un officier, à condition qu’il paierait une finance nouvelle en sus de celle qui avait été déjà payée pour sa charge. C’était, à vrai dire, un emprunt habituellement forcé sur les fonctionnaires publics : en 1689, on résolut d’user largement de cette ressource.

Le 5 août, le contrôleur-général mande aux intendans[1] que toutes les compagnies judiciaires de la ville de Paris, à commencer par le parlement, ont arrêté de prendre des augmentations de gages nouvellement créés, « par zèle et bonne volonté… sans qu’il y ait eu ordre de la part du roi. » Il s’efforce de leur montrer « combien de réputation cela donne aux affaires au dedans et au dehors dans les conjonctures présentes. Ce doit être un grand exemple à toutes les autres compagnies de province… Ces augmentations de gages que le roi veut bien aliéner, pour fournir aux dépenses de la guerre aussi grandes que nécessaires, sans charger le peuple, font un bien si sûr et si commode que les officiers ne peuvent regarder ce qu’on désire d’eux comme une charge. Aussi la chose n’est-elle pas susceptible de conditions et doit être conduite en sorte qu’elle paraisse venir de leur bonne volonté. »

Cet appel, auquel on avait affecté de donner une forme si douce et si persuasive, fut entendu. On ne peut en citer que quelques exemples. Dès 1689, 600,000 livres de gages héréditaires, au denier 18, attribuées à toutes les cours, produisirent net 9 millions 720,000 livres, et 300 000 livres attribuées aux officiers des élections et des greniers à sel, plus de 6 millions : en 1691, les payeurs de rentes eurent à verser 8 millions pour 300,000 livres D’augmentations de gages ; et, en 1693, les officiers des présidiaux, bailliages et sénéchaussées 5 millions 1/2 pour des augmentations de gages dont le chiffre n’est pas connu. Ce n’était pas seulement aux fonctionnaires d’un ordre élevé que le fisc s’adressait : les huissiers payèrent 250,000 livres en 1706, et en 1703 on avait fait acheter 600,000 livres aux vendeurs de marée une augmentation de 6 deniers par livre qu’ils étaient autorisés à prendre sur le prix de la marchandise vendue :ici le trésor recevait le capital ; mais c’était le public qui en payait l’intérêt.

En 1701, quand la guerre de la succession d’Espagne créa de nouveaux et plus impérieux besoins, il ne fut plus possible, comme en 1689, de s’en rapporter « au zèle et à la bonne volonté des fonctionnaires : »

  1. Correspondance du contrôleur-général avec les intendans, t. I, no 740.