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émises sous la forme qu’on croyait plus attrayante de loteries et de tontines, qui avaient l’inconvénient d’exciter et de développer au sein des populations l’amour du jeu et du gain plutôt que l’esprit d’épargne et d’économie. Ces opérations n’eurent pas toujours le succès qu’on en espérait : une loterie royale de 240,000 billets à 20 sols, ouverte en 1705, ne put être tirée qu’en 1707 ; on en forma une autre à 20 livres le billet qui ne put être acquittée, et en 1714, il fallut ordonner que les billets visés par le receveur seraient portés au garde du trésor, qui les convertirait en rentes perpétuelles au denier 25.


IV. — LES AFFAIRES EXTRAORDINAIRES.

Le produit des emprunts, des loteries, des tontines était loin de suffire aux besoins du trésor : il fallut recourir à ce qu’on appelait les affaires extraordinaires. Ces expédiens, sous le ministère de Colbert, pendant la guerre de Hollande (1672-1677) avaient principalement consisté en créations d’impôts nouveaux. Mais ces créations avaient mal réussi : la plupart avaient excité des mécontentemens ; l’imposition sur les papiers timbrés ou formules avait soulevé les populations et provoqué en Bretagne et en Guyenne de sanglantes révoltes. Louis XIV en garda le plus vif souvenir et, quand la guerre reprit en 1689, il résolut de pourvoir à ses dépenses par d’autres procédés financiers. Alors on inventa et on épuisa toutes les combinaisons fiscales les plus onéreuses et les plus déplorables : — des emprunts déguisés, des augmentations de gages, des créations d’offices nouveaux, etc., et on arriva à se procurer ainsi, de 1689 à 1714, la somme énorme de 900 millions.

Cent quarante millions sont le produit d’opérations si variées qu’on ne saurait les comprendre sous une dénomination commune, et si nombreuses que leur seule énumération ne peut trouver ici sa place. Il faut se borner à donner une idée de leur nature et de leur diversité en en mentionnant quelques-unes. — Le clergé donne ou prête 15 millions 1/2 en sus de sa subvention annuelle ; — la vente de cinq cents lettres de noblesse, la recherche des usurpateurs de titres nobiliaires, la confirmation de la noblesse aux maires et aux échevins, une taxe sur les armoiries, spéculant sur la vanité humaine, produisent plus de 10 millions ; — les gens d’affaires, ceux qu’on appelle les traitans, sont imposés à 24 millions, et quelques années après ils sont encore astreints à plus de 15 millions de restitutions sur les bénéfices qu’ils ont réalisés[1].

  1. On peut encore mentionner : des sommes perçues sur les bois des ecclésiastiques, 4,500,000 livres ; des sommes perçues sur les îles et îlots, 4,500,000 livres ; une taxe sur les aubergistes, 3,600,000 livres ; confirmation de foires et marchés, 1,800,000 livres ; confirmation de la comptabilité de toutes les charges, 2,500,000 livres.