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perpétuellement ouvert, le crédit allait fléchir et qu’avec toutes ces augmentations de dépenses des dernières années, le déficit était déjà entré dans le budget : c’est là, en définitive, la dure réalité à l’heure qu’il est.

Que restait-il à faire? Les conventions avec les compagnies des chemins de fer ont été justement imaginées d’abord pour alléger le budget extraordinaire alimenté par l’emprunt et pour dégager, jusqu’à un certain point, l’état en transférant aux compagnies une partie des travaux qu’on ne veut pas abandonner. Avec les conventions, on ne pourra pas encore se passer d’un emprunt, on empruntera un peu moins. Quant au budget ordinaire, c’est peut-être la difficulté la plus sérieuse, parce qu’on touche ici aux conditions régulières, permanentes de la situation financière. Cette difficulté, comment la résoudra-t-on? comment rendra-t-on au budget l’équilibre qu’il a perdu? Ceux qui, sous prétexte de maintenir le « bon renom » des finances de la république, ne veulent pas même admettre qu’il y ait des embarras, ont vraiment toute sorte de combinaisons ingénieuses à leur service, Un premier moyen, aussi simple qu’expéditif, c’est de prendre à pleines mains dans le chapitre de l’amortissement. Malheureusement une partie de ce chapitre est affectée à des obligations à courte échéance, et détourner ce qui est consacré à ce service, c’est ne rien résoudre, c’est tout simplement recourir à une prorogation de créance, De plus, c’est en vérité un étrange expédient de diminuer les gages du crédit au moment même où l’on va être obligé d’emprunter encore, et on comprend assez que M. le ministre des finances regimbe un peu contre la combinaison que lui offre la commission du budget, contre une si singulière façon de rétablir l’équilibre. Il y a un autre moyen tout aussi simple, c’est de faire ce qu’on a fait depuis quelques années, d’inscrire au budget extraordinaire ce qui devrait être au budget ordinaire, par exemple, des crédits pour les écoles. A vrai dire, ce n’est pas même là un palliatif, c’est un déplacement de dépenses, un jeu de comptabilité, une manière de se rassurer soi-même et de faire illusion au pays par de perpétuelles fictions. Les faits ne restent pas moins ce qu’ils sont. On se retrouve toujours en face de la réalité, avec un déficit de budget qu’on ne sait comment combler par des moyens ordinaires, réguliers, et une dette publique qui n’a cessé de grossir depuis quelques années, en pleine paix, qui menace de grossir encore par un système d’emprunt en permanence. — De sorte que voilà la situation telle qu’on l’a faite, sur deux points essentiels. On reste avec un-pays qu’on a divisé et avec des finances qu’on a engagées au moment où l’on peut se trouver en présence des plus graves difficultés extérieures. On s’est en quelque sorte à demi désarmé d’avance devant le périlleux inconnu qui peut réserver de nouvelles épreuves à la France.