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ISABELLE DE LIMEUIL


Le 7 mars 1563, deux grands bateaux, le premier, parti d’Orléans, le second, de la rive opposée de la Loire, abordaient à l’île aux Bœufs, située un peu au-dessous de la ville. Dans l’un venait le connétable Anne de Montmorency, dont le visage portait encore les traces de la blessure reçue à la bataille de Dreux : il était sous la garde de son neveu, d’Andelot; dans l’autre, le prince de Condé, sous celle de Damville (Henri de Montmorency). Une entrevue entre l’oncle et le neveu avait été ménagée par les soins de la princesse de Condé, Éléonore de Roye. Tous deux, sans témoins, devaient débattre les conditions de la paix qui allait mettre fin à la première guerre civile.

Une chambre tendue de tapisseries avait été disposée sur un bateau pour leur conférence, mais ils aimèrent mieux descendre à terre. Trois heures durant, on les vit se promener dans l’île, causer vivement, sans toutefois pouvoir les entendre. L’accord, le premier jour, ne put se conclure, le connétable ayant obstinément déclaré qu’il ne pourrait condescendre au rétablissement de l’édit de janvier, qui assurait aux protestans l’exercice de leur culte sous certaines restrictions. Condé fut reconduit par la même escorte au camp de Saint-Mesmin, le connétable à Orléans. Le lendemain, les deux mêmes bateaux ramenèrent le prince et le connétable à l’île aux Bœufs. On remarqua que l’épée de Condé lui avait été déjà rendue. Un troisième bateau suivait celui du prince. Vêtue de cette longue robe noire qu’elle n’avait pas quittée depuis la mort de Henri II, Catherine de Médicis y avait pris place, ayant à ses côtés le cardinal de Bourbon et le duc d’Aumale ; à l’arrière du bateau étaient deux de ses filles d’honneur. Elle avait choisi avec intention les plus belles.