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qui ne portent pas encore de nom d’auteur n’a été rédigé par un moine auvergnat. Ce peut donc être un document de premier ordre. Peut-être subsiste-t-il dans quelqu’une des bibliothèques ou archives privées de l’Auvergne, où les dépôts de ce genre sont encore assez nombreux et, pour la plupart, inexplorés. M. Riant a signalé ce desideratum dans plus de quarante journaux ou recueils périodiques; qui sait si la publicité de la Revue ne secondera pas heureusement la science dans cette occasion? Si quelqu’un de nos lecteurs retrouve d’après ces indices le manuscrit souhaité, il aura du même coup servi la cause de l’histoire et démontré l’efficacité d’une pareille enquête.

C’est en recueillant pas à pas, en révisant une à une les pièces issues de la diffusion et du culte des reliques que M. Riant se trouve conduit à faire justice de certains documens fabriqués qui encombraient la science de conjectures ou de conclusions téméraires. Telle est l’histoire de la trop célèbre « Charte du Maïs, » dans laquelle il a reconnu une de ces supercheries coupables dont notre siècle a donné tant d’exemples. Deux compagnons de Boniface de Montferrat y figurent ; ils apportent en Italie, pendant l’année 1204, avec un morceau de la vraie croix, un sac d’une semence jaune et blanche, nommée en Anatolie Meliga ; ils l’ont récoltée, est-il dit, pendant le siège de Constantinople. La prétendue charte du XIIIe siècle, par laquelle ils font à la fois donation de la relique et de la semence jusqu’alors inconnue en Occident, paraît en 1810 dans une Histoire de la ville d’Incisa en Piémont. A peine publiée, elle est fort remarquée, particulièrement des botanistes, qui croient y découvrir la date jusqu’alors très incertaine de l’introduction du maïs en Europe. Michaud l’insère aussitôt dans ses pièces justificatives, et puis Sismondi l’adopte, et Daru, et Daunou, et Dufaure, et Hurter en Allemagne, jusqu’à ce que M. Riant dévoile dans ses artifices et dans ses motifs une grossière mystification subalpine.

M. Riant a signalé une autre piste, il a institué un autre ordre de recherches qui a déjà fait retrouver de nombreux documens intéressant la terre-sainte et de nature à nous instruire sur la constitution religieuse et administrative de cette France lointaine. Presque tous les sanctuaires, abbayes et monastères orientaux, même plusieurs établissemens religieux de l’empire latin de Constantinople, ou bien les fondations italiennes destinées à servir d’étapes aux croisés sur leur route, avaient en France des possessions considérables et le patronage d’églises ou d’abbayes qui prenaient leurs noms. Les abbayes orientales de Notre-Dame de Josaphat, du mont Sion, de Sainte-Marie-Latine, avaient des biens en diverses parties de l’Occident. De l’hospice Saint-Samson de Constantinople relevait celui