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cet établissement qui nous a été enlevé par la guerre, il faut assurer la police de la pêche en augmentant le nombre des agens chargés de l’exercer, toute espèce d’organisation poursuivie en vue du repeuplement artificiel des rivières étant condamnée d’avance et frappée de stérilité, si la surveillance des cours d’eau reste aussi précaire et illusoire qu’aujourd’hui. Le nombre des procès-verbaux constatant des infractions aux lois et règlemens qui, de 1863 à 1865, était d’environ 6,000 par an, était tombé en dernier lieu à 2,500, parce que les agens se découragent en voyant l’administration supérieure leur recommander la tolérance envers les pêcheurs et les tribunaux n’appliquer aux délinquans que des peines illusoires.

« Les événemens politiques, dit M. Coumes en terminant, ayant fait perdre à la France l’établissement de pisciculture de Huningue, qui n’a pas été remplacé, et l’insuffisance des ressources budgétaires ayant empêché de continuer les échelles à poissons ainsi que de compléter les moyens de surveillance, l’œuvre sur laquelle on avait fondé de grandes espérances a subi un ralentissement équivalant à peu près à une interruption totale qui dure depuis dix ans. » Bref, c’est un avortement. On sent combien il en coûte à un ingénieur des ponts et chaussées d’avouer que son administration, tout en ayant dépensé beaucoup plus, s’est montrée aussi impuissante que celle des forêts.

Qu’importent, après tout, les questions d’attributions qui, au moment où elles furent soulevées, ne cachaient que de mesquines questions de personnes? Voyons les choses de plus haut et ne nous occupons que de l’intérêt public. Il n’est malheureusement que trop vrai qu’en France le dépeuplement des cours d’eau augmente tous les jours. A cet égard, l’enquête faite par le sénat ne laisse aucun doute et le rapport présenté par M. George à la commission est des plus concluans.

Le poisson d’eau douce, suivant l’honorable sénateur, n’entre que pour une part inappréciable dans l’alimentation publique. Le prix élevé auquel se vend cette denrée en est la preuve : le poisson blanc, le moins estimé, vaut de 1 franc à 1 fr. 50 le kilog. ; la carpe de 1 fr. 50 à 2 francs ; le brochet, la perche et l’anguille de 3 à 5 francs; la truite et le saumon de à 8 francs. La plus grande partie des poissons consommés en France vient de l’étranger; l’Allemagne et la Hollande approvisionnent Paris et les marchés du nord; la Suisse et l’Italie ceux du sud-est. Quant aux saumons, la plupart viennent d’Angleterre et de Hollande. Avec son magnifique réseau de cours d’eau, la France est, par conséquent, bien loin de suffire à sa consommation pourtant si restreinte, et se trouve, pour