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dépasse pas 320 grammes par individu. Ce fait seul suffirait à prouver l’inutilité des procédés artificiels de repeuplement, puisqu’à une époque où ils étaient inconnus, le poisson abondait et se reproduisait naturellement, tandis qu’aujourd’hui il tend à disparaître. C’est donc ailleurs que dans la pisciculture qu’il faut chercher le remède à la pénurie actuelle. Dans un rapport à l’empereur, du 21 septembre 1859, sur l’organisation de la pêche fluviale, M. Coste, après avoir rappelé que les pêcheries de saumon d’Irlande et d’Ecosse rapportent 17,500,000 francs, ajoute qu’en France, où toutes les espèces vivent confondues dans un même abandon, c’est à peine si le prix de l’amodiation de tous nos cours d’eau s’élève à la somme de 600,000 francs, qui ne couvre pas la dépense qu’en exige la perception. Il attribue cet état de choses à ce que la police et la surveillance de la pêche sont confiées à l’administration des forêts, dont les employés, cantonnés dans les régions boisées de la France, n’interviennent que pour stipuler dans les contrats les conditions d’amodiation de la pêche et abandonnent aux fermiers le soin de garder les parties qu’ils exploitent. D’après lui, le seul moyen efficace de remédier à cette situation consiste à confier la police de la pêche fluviale à l’administration des ponts et chaussées, qui ayant déjà dans ses attributions l’aménagement général des eaux, dispose par cela même de tout ce qui peut faire la prospérité ou accomplir la ruine des pêches. M. Coste avait une telle confiance dans son remède qu’il ne craignait pas d’affirmer qu’avant peu les rivières de la France seraient aussi peuplées que celles d’Ecosse et d’Irlande, et que, comme celles-ci, elles ne rapporteraient pas moins de 17 millions.

Voilà vingt-cinq ans bientôt que ce remède est appliqué et que la pêche fluviale a passé dans les attributions de l’administration des ponts et chaussées : qu’a-t-il produit? Sous le rapport du revenu, le résultat est à peu près nul. Le prix de location des cours d’eau appartenant à l’état, qui en 1859 était, y compris celui des canaux, de 710,400 francs, est aujourd’hui de 850,000 francs. C’est une bien faible augmentation comparativement à celle qu’on faisait espérer. Au point de vue de la police et de la production du poisson, peut-on au moins signaler quelque amélioration? Nous trouvons la réponse à cette question dans le rapport que M. Coumes, inspecteur général des ponts et chaussées, chargé du service des pêches, a adressé à la commission d’enquête sénatoriale. Après avoir rappelé que l’établissement de Huningue a distribué gratuitement d’énormes quantités d’œufs fécondés et d’alevins dans plus de soixante-dix départemens, M. Coumes avoue implicitement que ces largesses ont été infructueuses, puisqu’il déclare qu’avant de chercher à remplacer