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Contrairement à ce qui a lieu en Angleterre, le poisson d’eau douce y est préféré au poisson de mer et y est l’objet de soins bien entendus. Apporté vivant sur les marchés, il est placé par les acquéreurs, particuliers ou maîtres-d’hôtel, dans des viviers, d’où il n’est retiré qu’au moment d’être consommé. Il est donc toujours dans un grand état de fraîcheur, et généralement d’excellente qualité. Ce qui prouve l’importance qu’on attache, en Allemagne, au développement des ressources ichtyologiques, c’est la création, en 1870, d’une grande association (Deutsche Fischerei Verein), ayant pour objet le repeuplement général des eaux et le développement de l’industrie des pêches, tant fluviales que maritimes. Cette association, qui compte aujourd’hui plus de mille membres payant chacun une cotisation annuelle de 11 fr. 25, a déjà réussi, par ses démarches auprès des pouvoirs publics, à faire modifier la législation pour assurer la protection des diverses espèces de poissons tant sédentaires que migratrices. Elle a entrepris une enquête sur les ressources des différens cours d’eau, dont elle cherche à assurer le rempoissonnement, en y versant chaque année une grande quantité d’alevins. Elle reçoit de l’état une subvention de 25,000 franc et jouit de certains privilèges auprès de l’administration des postes pour l’expédition des œufs. Les gouvernemens ne négligent rien d’ailleurs pour développer l’industrie piscicole ; ils ont institué des cours de pisciculture pratique non-seulement dans les écoles forestières, mais même dans les écoles primaires, et encouragent la création d’établissemens d’éclosion en vue du repeuplement des eaux privées. Outre quelques établissemens publics, on en compte aujourd’hui cent quarante-neuf appartenant à des particuliers, et s’occupant soit de l’élevage du poisson pour le marché, soit du commerce des œufs embryonnés. Ce commerce est assez lucratif dans un pays où un grand nombre de propriétaires s’occupent d’empoissonner leurs eaux. Quant à l’élevage, c’est, à côté de quelques autres espèces, à celui de la truite qu’on s’adonne de préférence. Toute la question, comme nous l’avons dit, est de trouver une nourriture assez économique pour qu’on ne soit pas en perte, et il paraît que cela peut encore se rencontrer en Allemagne. Un assez grand nombre de ces établissemens sont fondés par des sociétés d’actionnaires qui afferment les cours d’eau de la région, les empoissonnent abondamment, et les exploitent alors dans d’excellentes conditions. C’est ainsi qu’à Wiesbaden, outre les eaux qui lui appartiennent en propre, une société a loué à long terme plus de quarante lacs, étangs ou cours d’eau, dont elle tire un grand bénéfice. La législation nouvellement en vigueur favorise singulièrement les entreprises de ce genre, car elle admet en principe que la pêche ne peut rester libre,