Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/597

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
III.

Si l’industrie de la pêche est à l’étranger dans une situation meilleure qu’en France, cela tient moins à l’emploi des procédés artificiels pour la multiplication du poisson qu’à la stricte observation des lois et règlemens et à ce que la pisciculture y est surtout appliquée comme moyen d’élevage des espèces herbivores. C’est, entre autres, le cas de la Chine, qu’on ne manque jamais de citer chaque fois qu’on veut montrer les bénéfices que peut procurer la culture rationnelle des eaux.

Dans son bel ouvrage sur la Pisciculture et la Pêche en Chine, M. Dabry de Thiersant rapporte que les Chinois ont fondé cette industrie sur la connaissance parfaite qu’ils ont des mœurs des poissons. Ils en ont divisé les familles en deux catégories, les poissons domestiques et les poissons sauvages. Les premiers, qui comprennent quatre espèces : Yong-yu, Tsin-yu, Pe-lien-tsee-yu et Hoen-yu, appartenant au genre Cyprin, sont herbivores et sont seuls l’objet d’une éducation spéciale; les autres, qui sont des poissons voraces, sont abandonnés à eux-mêmes dans les cours d’eau, sans qu’on fasse rien pour en accroître le nombre. La récolte des œufs se fait à la fin d’avril, au moyen de petits filets à mailles serrées avec lesquels les pêcheurs ramassent le frai sur les pierres et sur les rochers. Souvent aussi ils placent dans les cours d’eau des racines d’arbres, de la paille, de l’herbe, des brindilles sur lesquelles les poissons viennent déposer leurs œufs et qu’ils vendent à très bas prix. Les acheteurs les font éclore soit dans les rigoles des rizières abandonnées, soit dans des vases en terre cuite; ils nourrissent les alevins ainsi obtenus au moyen d’eaux grasses, de son, d’orge ou de résidus de graines de sésame écrasées, et les revendent ensuite dans des paniers de dimensions déterminées aux concessionnaires des pêches qui en repeuplent leurs cours d’eau.

Dans toutes les fermes de la Chine se rencontrent des viviers destinés à l’éducation des poissons domestiques. Ces viviers, creusés dans le sol, ont de 7 à 10 pieds de profondeur et sont établis avec le plus grand soin; ils renferment des cavités où les poissons peuvent s’abriter dans les heures chaudes du jour, et des éminences sur lesquelles des vignes taillées en berceau leur donnent une nourriture recherchée, tout en préservant les eaux de toute souillure extérieure; le fond, tapissé d’herbes aquatiques, est toujours tenu