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et viviers. Quant à la mare et la fosse à poissons, doyvent être souvent curées, repeuplées de nouveau et rafraîchies de menue denrée; car de toujours prendre et rien n’y mettre, cela fait le monceau decroistre. » Depuis la fin du XVIIIe siècle, le nombre des étangs a considérablement diminué en France. Il en existe aujourd’hui 110,000 hectares répandus surtout dans les départemens du Cher, de l’Indre, de l’Indre-et-Loire, de l’Ain et du Jura.

Rien n’est plus simple que de créer un étang quand on possède les deux rives d’un ruisseau encaissé dans une vallée; il suffit de construire une digue qui, arrêtant le cours de l’eau, force celle-ci à s’accumuler derrière cet obstacle. Mais pour que les poissons puissent y prospérer, il faut non-seulement que cette eau soit pure et bien aérée, mais aussi que le sol soit favorable à la végétation des herbes aquatiques qui devront les alimenter ou qui serviront de demeure aux insectes dont ils feront leur proie. Le sous-sol doit être imperméable, et la digue, suffisamment solide pour résister à la poussée du liquide, doit être munie d’une vanne qui permet de faire varier le niveau, et d’une bonde de fond qui sert à vider l’étang. En avant de la digue, est un bassin pourvu d’une grille qui, au moment de la mise à sec, retient le poisson entraîné par le courant. Grâce à ces dispositions, on peut facilement élever des carpes dont on provoque la multiplication en établissant des frayères artificielles formées de claies et de fagots où elles vont pondre leurs œufs. Quant au brochet, il est inutile de s’en occuper, car il se propage spontanément par l’intermédiaire des oiseaux aquatiques. Généralement on pêche les étangs tous les trois ou quatre ans, et on en obtient de 300 à 400 kilogrammes de poisson par hectare. Beaucoup de propriétaires, après la mise à sec, livrent le sol à la culture pendant un ou deux ans et en tirent de belles récoltes sans y mettre aucun engrais, ils détruisent ainsi les œufs de brochets et les autres ennemis des poissons qui auraient pu se cacher dans la vase ou dans les herbes. Un étang bien conduit peut produire environ 200 francs de revenu net par hectare.

La production des écrevisses est également très avantageuse. On peut en élever dans les étangs ordinaires, qu’elles assainissent en les débarrassant de tous les détritus animaux qu’ils renferment; mais il est préférable de les parquer dans des fossés alimentés d’eaux vives et un peu calcaires, dans les rives desquels elles peuvent s’abriter. Nourries avec des débris animaux, du sang, des larves d’insectes, elles arrivent, après quelques années, à d’assez fortes dimensions et peuvent donner presque sans frais un revenu appréciable. C’est un moyen lucratif de mettre en valeur les terrains humides et marécageux qu’on laisse trop souvent improductifs.