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auxquels la loi réserve la faculté de se livrer à ce genre de pêche. Les lacs, les étangs et les cours d’eau particuliers, qui représentent une étendue de 163,000 hectares, fournissent 9,259,000 kilogrammes d’une valeur de 10,833,000 francs. Les étangs entrent dans ces chiffres pour la plus grosse part, parce qu’ils sont des propriétés privées, susceptibles d’appropriation, et qu’ils peuvent dès lors être exploités industriellement. Quant aux rivières, comme elles n’appartiennent à personne en particulier, puisqu’elles sont à tous les riverains, elles sont aujourd’hui beaucoup moins poissonneuses qu’autrefois, si l’on en croit non-seulement les auteurs spéciaux, mais aussi les documens officiels, desquels il résulte, par exemple, qu’avant 1789 la seule pêche du saumon en Bretagne était louée 200,000 francs.


II.

Envisagée à un point de vue général, la pisciculture, ou plutôt l’aquiculture, est la science des moyens physiques ou économiques par lesquels on parvient à favoriser la multiplication du poisson et à accroître, par la culture des eaux, la masse des substances qui concourent à la nourriture de l’homme. Elle se propose de transformer en alimens les matières inutiles ou perdues que les poissons se sont d’abord assimilées. Dans l’état de civilisation où nous sommes, nous ne saurions laisser improductives les immenses surfaces occupées par les eaux et ne pas chercher à tirer parti de toutes les ressources que la nature met à notre disposition. On distingue l’aquiculture domestique, qui a pour objet de conserver les poissons dans des espaces clos et de les y nourrir artificiellement, comme on ferait d’animaux en stabulation, et l’aquiculture naturelle qui, ayant surtout en vue le repeuplement des cours d’eau, laisse aux poissons en liberté le soin de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance.

La principale application de l’aquiculture domestique est l’élevage des poissons dans les étangs. Il a été pratiqué de tout temps et chez tous les peuples. Il en est question dans les livres chinois comme dans la Bible, et les Romains le connaissaient aussi bien que les moines du moyen âge. Il tenait à cette époque une assez large place dans les préoccupations pour que Ch. Estienne en fît mention en ces termes dans sa Maison rustique, publiée en 1583. « Le point premier et principal d’une maison rustique est de n’avoir faute d’aucune chose, tant pour la provision du seigneur que pour le profit qui peut en venir. Le bon messager donc ne fera peu de cas des poissons, vu que d’iceux il peut tirer nourriture et grand revenu, ains doit avoir près la maison quelque lieu de réserve pour bastir estangs