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points lumineux. Les valeurs d’état non soumises à l’impôt, rentes, pensions, dotations, caisses d’épargne, annuités diverses, répondent à partager 1 milliard 235 millions. L’impôt de 3 pour 100 sur le revenu des valeurs mobilières correspond à une rente de 1 milliard 1/2, produite par les emprunts des villes, les actions et obligations de chemins de fer, les banques, les sociétés industrielles d’origine française ou étrangère; avec l’appoint des petites commandites qui échappent aux recherches, on arriverait probablement pour ces deux catégories de rentes à un total de 3 milliards. C’est à peu près le revenu qu’une statistique récente attribue à l’empire britannique pour ses valeurs mobilières, si l’on en retranche environ 700 millions de rentes extérieures sur fonds d’état et 250 millions de dividendes industriels que l’Angleterre tire des pays étrangers, ressources qui manquent presque complètement à la France[1]. La propriété bâtie exigeait une estimation à part. Or, si l’on tient compte du gonflement anormal des loyers pendant les trois années dernières, on peut sans exagération porter son revenu actuel à 2 milliards 1/2. Quant à la rente financière du sol cultivable, elle a été évaluée dans l’ensemble des revenus de l’industrie française.

En réunissant ces données diverses, on obtient un total dépassant 37 milliards de francs exactement : 37 milliards 125 millions), chiffre qui exprime nominalement, j’appuie sur ce mot, la somme que la nation française a pu consacrer en 1880 et en 1881 à ses besoins, à ses jouissances, à ses économies.

Arrivé à ce point, il est difficile de ne pas s’y arrêter un instant pour examiner par aperçu comment ces ressources collectives sont employées.

A la date de ces études, la population totale, en augmentation bien lente sur le dénombrement de 1876, dépassait déjà 37 millions d’à peu près 200,000. Il est assez remarquable que, vers la même époque, le revenu nominal de la nation se suit chiffré également un peu au-dessus de 37 milliards. Cela paraîtrait indiquer un contingent moyen de 1,000 francs par tête; ce n’est pas même 2 fr. 75 par jour. Que l’on réfléchisse un instant et qu’on cherche, non pas seulement parmi les riches, mais dans les conditions modestes, le nombre des individus dont la dépense quotidienne dépasse

  1. Le revenu des placemens à l’étranger et qu’une nation recueille sans travail sous forme de rente annuelle, est un avantage quand ce revenu est appliqué à l’intérieur au développement du travail et de la production. Mais si cette annuité versée par l’étranger est dépensée improductivement à l’intérieur par des créanciers oisifs, cette richesse devient nuisible, parce qu’elle a pour effet d’augmenter sans contre-partie le pouvoir d’achat du pays et de déterminer un enchérissement des marchandises.