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sénateurs et aux députés, sous peine de déchéance de leur mandat législatif, les fonctions d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance dans les compagnies de chemins de fer avec lesquelles l’état venait de traiter. Pareille clause avait été insérée dans des lois récemment votées pour le renouvellement de la concession des paquebots transatlantiques et pour la concession des chemins de fer de la Corse. En présence d’amendemens, dont les uns tendaient à restreindre ou à atténuer cette interdiction, dont les autres voulaient, au contraire, l’étendre et l’aggraver, la commission jugea préférable de retirer sa proposition, la chambre devant être prochainement appelée à se prononcer sur une loi générale relative à ce genre d’incompatibilité. La majorité n’accepta point l’ajournement et, à la suite d’une longue discussion, elle adopta l’amendement de M. Rousseau, d’après lequel « tout député ou sénateur qui, au cours de son mandat, acceptera les fonctions d’administrateur d’une compagnie de chemins de fer sera par ce seul fait considéré comme démissionnaire et soumis à la réélection. » Ce ne fut pas sans peine que le dernier paragraphe, autorisant la réélection, obtint une faible majorité de 6 voix (225 contre 219). La chambre se trouvait depuis quelque temps sous l’impression d’attaques violentes dirigées contre l’abus que certains de ses membres auraient fait de leur mandat pour s’associer à des entreprises financières, et elle voulait couper court à la médisance en supprimant tout contact entre les législateurs et les compagnies. Quelques-uns même, poussant jusqu’au bout la logique de leur pudeur effarouchée, prétendaient exclure des assemblées politiques non-seulement les administrateurs, mais encore les fonctionnaires, les agens quelconques des compagnies, peut-être même les actionnaires. Le remède serait héroïque, sans être pourtant efficace ; il ne suffirait pas pour réaliser la parole de Montesquieu, qui fait de la république le règne de la vertu. La probité parlementaire ne dépend pas des lois ni des règlemens ; elle ne peut être maintenue que par les bonnes mœurs, par la conscience de chacun, par le jugement de l’opinion publique, et par les arrêts du suffrage universel. Cette question, à laquelle la démocratie paraît attacher une grande importance, sera débattue amplement, et dans tous ses détails, lorsque viendra l’examen des propositions relatives au cumul et aux incompatibilités.

Ces discussions, quelle que fût leur gravité, pouvaient n’être considérées que comme accessoires. De même pour les réclamations que les députés apportèrent à la tribune afin de hâter la construction des lignes qui intéressent leur arrondissement, et surtout leur réélection. Toutes ces lignes, pour lesquelles on demandait un tour