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l’ancien régime. Il se peut que, par une étrange contradiction, les gouvernans de notre démocratie tentent de l’introduire de nouveau dans nos lois politiques, à leur profit, tant que l’état leur appartient; mais ils échoueraient à coup sûr, s’ils voulaient imposer la doctrine pour la gestion des capitaux et des intérêts. A la tyrannie de l’état ceux-ci préfèrent les statuts et les règles des associations, petites ou grandes, où l’individu agit et se défend.

Après M. Madier de Montjau, d’autres orateurs furent amenés, dans le cours de la discussion, à soutenir que l’état devait conserver le troisième réseau et racheter les anciennes concessions, non point en vue d’une théorie politique ou sociale, mais dans un intérêt économique ou stratégique. Ils citèrent la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, où l’état est propriétaire de la plus grande partie des voies ferrées. Ces exemples prouvent, en effet, que les chemins de fer peuvent être régis comme un service public, au compte du budget national et avec des tarifs de transports fixés administrativement. Il n’y a pas de contestation sur ce point. La question est de savoir pourquoi ce régime s’est établi dans les pays où il existe, s’il est préférable, dans la pratique, au régime contraire, et si les intéressés désirent qu’il soit maintenu. MM. Loubet et George Graux ont reproduit, dans leurs discours, des informations qui étaient de nature à éclairer la chambre sur les conditions spéciales et sur les résultats des systèmes d’exploitation usités en Belgique et en Allemagne. Le système français leur paraît préférable. Et, d’ailleurs, ainsi que le déclarait le ministre des travaux publics, il s’agit de voir si, après que l’on s’est engagé dans une route avec un cortège d’une dizaine de milliards, on peut rebrousser chemin et reprendre une autre voie comme si l’on était au début de la course. Le rachat général des chemins de fer ne serait pas autre chose. On est dominé par les faits accomplis. Si l’on s’était trompé à l’origine, l’erreur serait irréparable aujourd’hui. Il ne reste qu’à tirer du système primitivement adopté tous les avantages qu’il peut donner, et ces avantages sont, en vérité, très appréciables, puisqu’ils facilitent la construction du troisième réseau.

Le rachat général des chemins de fer paraissant devoir être repoussé par la grande majorité de la chambre, les adversaires des conventions se rabattirent sur le rachat partiel et ils prirent pour objectif la compagnie d’Orléans. La proposition fut soutenue avec beaucoup de vigueur par MM. Allain-Targé et Wilson. En 1877, M. Allain-Targé avait fait rejeter un premier traité passé avec la compagnie d’Orléans sous le ministère de M. Christophle, et son nom demeure attaché à l’amendement qui avait clos ce long débat parlementaire. M. Wilson avait, à peu près vers la même