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et étendit le droit disciplinaire. Elle donna surtout force obligatoire aux « usages observés dans le barreau relativement aux droits et aux devoirs des avocats dans l’exercice de leur profession. » Une autre ordonnance du 27 août 1830 lui a rendu l’élection du conseil et du bâtonnier.

C’est par ces longs circuits, c’est par ces lentes étapes, que le barreau en France est rentré en possession de ses traditions et des franchises qui l’avaient élevé si haut avant la révolution. Sur tout cela, l’assemblée constituante avait-elle donc voulu fermer les yeux? Berryer père, qui avait suivi avec attention les travaux de réorganisation judiciaire, dit quelque part dans ses Souvenirs : « Je n’ai jamais pu concevoir par quelle morosité l’assemblée constituante s’était décidée à anéantir l’ordre des avocats. » Berryer se trompait en recherchant ce sentiment dans l’assemblée; il n’y était pas. Mais, poussée par l’esprit d’innovation qui tourmentait, la plupart de ses membres, elle s’attaquait à tout le passé, quel qu’il fût, par cela seul qu’il était le passé. Sans confondre précisément l’ordre des avocats avec les corporations, elle lui avait donné une liberté qu’il ne réclamait pas, que personne ne réclamait, qui était contraire à son institution séculaire, et de ses mains avait ouvert devant les nouveaux défenseurs la voie de la licence, de l’insubordination et de la corruption, selon les termes sévères du projet de décret de 1810. Par un délire de liberté, elle rayait des lois et de la langue tout ce qui, de près ou de loin, pouvait rappeler une entrave; l’ordre des avocats lui était apparu comme une chose gênante pour les avocats, et elle l’avait supprimé. D’ailleurs, dans ses éblouissemens, ne voyait-elle pas la société ramenée à quelques lois faciles à comprendre sous le régime desquelles la fraternité devait présider à toutes les relations? « Pourquoi des tribunaux? disait un orateur. Vous supposez donc qu’il y aura des contestations et des procès ? Mais il n’y a de procès que parce qu’il y a des tribunaux; abolissez les tribunaux, il n’y aura plus de procès. » Un autre ajoutait : « Ce qu’on appelle un procès est le produit de l’ignorance ou de la mauvaise foi, et quelquefois de toutes les deux ensemble. Après le bienfait que nous préparons à la nation d’un code de lois claires et en petit nombre, accessibles à l’intelligence la plus bornée, chacun sera son propre juge et nul n’aura besoin du secours d’hommes de loi. Il n’y aurait donc à craindre que la mauvaise foi chez l’une des parties. Ah! gardez-vous de vous prêter à une pareille supposition. N’allons-nous pas régénérer les mœurs ainsi que les lois? » Dans cet ordre d’idées, il est certain que les tribunaux et les hommes de loi devenaient une superfétation. Mais cependant, s’il survenait des altercations sur lesquelles on ne pût s’accorder, le même orateur donnait le moyen de les apaiser : « Les juges de paix du canton s’empresseront, par