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malheureusement trop subtil et trop ingénieux, M. Sully-Prudhomme a écrit dans le Zénith :


Saturne, Jupiter, Vénus n’ont plus de prêtres,
L’homme a donné les noms de tous ses anciens maîtres
A des astres qu’il pèse et qu’il a découverts.


Mais, faisant pressentir lui-même par une métaphore heureuse toute la poésie de l’astronomie moderne, il s’écrie :


Sous des plafonds fuyans, chasseresse d’étoiles,
Elle tisse, Arachné de l’infini, ses toiles
Et suit de monde en monde un fil sublime et sûr.


À cette transformation de l’univers par la science, le poète ne perd rien. M. Spencer, qui a défendu un jour la poésie de, la science contre celle des « odes grecques, » fait à ce sujet de justes remarques. Pour l’homme de l’antiquité ou pour l’ignorant de nos jours, une goutte d’eau n’est qu’une goutte d’eau : comme elle change aux yeux du savant lorsqu’il pense q:ie, si la force qui réunit ses élémens était tout à coup mise en liberté, elle produirait un éclair! Un simple tas de neige devient une merveille pour celui qui a examiné au microscope les formes si variées et si élégantes des cristaux de neige. Un roc arrondi, strié de déchirures parallèles, suffit pour évoquer aux yeux l’image d’un glacier glissant silencieusement sur lui, il y a un million d’années. Grâce à la complexité croissante de nos connaissances acquises, chacune de nos sensations ne vient plus maintenant au jour qu’enlacée, enveloppée par une multitude d’idées qui la pressent et la soutiennent de leurs replis sans nombre, comme ces lianes inextricables qui courent dans les forêts vierges et recouvrent tout de leurs branches légères. Non-seulement la science nous fournit par elle-même un sentiment analogue à celui du divin, mais, en outre elle ne préjuge rien sur le fond des choses, elle laisse le philosophe ou le poète généraliser dans leurs hypothèses les données certaines qu’elle nous fournit. Si le paganisme nous permettait de retrouver derrière les choses, des volontés semblables aux nôtres, au fond la science maintient encore aujourd’hui cette conception. Elle ne supprime que le merveilleux et le miraculeux ; mais elle laisse dans le monde une vie sourde semblable à la nôtre, peut-être une conscience indistincte, peut-être une aspiration vague vers le mieux, en tout cas quelque chose d’humain. Nous sommes bien loin aujourd’hui des idées cartésiennes, qui réduisaient tout dans le monde, sauf la pensée humaine, à un pur mécanisme. La science moderne a donné raison au poète La Fontaine, défendant les animaux contre le savant