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avait l’intention de s’arrêter, et fut obligé de pousser, malgré lui, jusqu’à Mombaze. Marchant dans un sens opposé, nous avons, de notre côté, dépassé avec l’auteur du Périple, Mombaze et Zanzibar : notre guide n’a rien à nous apprendre au-delà du 10e degré de latitude méridionale ; si Timosthène est allé plus au sud, si sa route l’a conduit cinq degrés plus loin, jusqu’à Mozambique, nulle relation précise n’est venue l’affirmer. Timosthène peut aussi bien avoir entendu parler de Cerné, — la grande île de Madagascar — à Quiloa, que dans un autre port situé au-delà du cap Delgado.

On importe, dans les comptoirs de l’Azanie, des objets façonnés en majeure partie à Muza : lances, haches, coutelas, alênes et diverses sortes de verroteries. Sur quelques points, il sera bon de se munir d’un peu de vin et de blé, qui ne serviront pas aux échanges, mais qu’on offrira en présent aux barbares pour se concilier leur bienveillance. En retour, on exportera de l’Azanie de l’ivoire en grande quantité, mais d’une qualité inférieure à celle de l’ivoire d’Adulis, des cornes de rhinocéros, de l’écaille, — la plus belle que l’on puisse se procurer après l’écaille de l’Inde, — et un peu de nauplion, substance que les érudits ont dû renoncer à définir : « Après Rhapta, dit l’auteur du Périple, un océan encore inexploré se déploie vers l’ouest et va rejoindre la mer occidentale, en face du littoral méridional de l’Éthiopie, de la Libye et de l’Afrique. » Que nous reste-t-il donc maintenant à faire ? À rétrograder, car sur la côte d’Afrique, nous n’irons pas plus loin, à moins que nous ne découvrions un jour dans quelque pyramide le journal d’un des capitaines de Néchao. Le commerce n’attendait rien des populations sauvages qui erraient entre le cap des Tempêtes et le cap Corrientes. Si quelque produit précieux l’eût provoqué à de plus hardies tentatives, nul doute qu’il n’eût bravé les courans et les orages du canal de Mozambique : il n’y a rien de si entreprenant et de si téméraire qu’un marchand, — les marins dieppois l’ont prouvé. — Malheureusement, loin de tenir à faire gloire de leurs découvertes, les marchands s’appliquent, au contraire, à en dérober aux autres le secret, et la science profite rarement de leur audace. Ce sont, comme l’a fort bien dit Strabon, des gens illettrés, et qui plus est, des gens intéressés à garder pour eux seuls les connaissances qu’ils ont acquises. L’empereur Claude aimait à pénétrer les mystères de la géographie ; investi de la toute-puissance, il avait le moyen de forcer bien des portes : si nous possédons aujourd’hui une description exacte des bords de la Mer-Rouge, avec quelques notions du commerce auquel s’adonnaient les Alexandrins, c’est certainement à son zèle intelligent que nous le devons.