Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
COMMERCE DE L’ORIENT
SOUS LES RÈGNES D’AUGUSTE ET DE CLAUDE


I.

Depuis que Rome avait fait la conquête de l’Asie, la société romaine était devenue scandaleusement raffinée. Elle avait renoncé au régime des anachorètes : l’écuelle de bois de Marcus Curius Dentatus, les choux et les raves du vieux Caton ne lui suffisaient plus; il lui fallait, avec les plats d’or et d’argent, des épices pour aiguiser son appétit; plus de 105 millions de francs, consacrés à l’achat des productions de l’Inde, sortaient chaque année de l’empire et n’y rentraient pas. Le besoin de se procurer des aromates pour embaumer ses momies avait jadis appris à la vieille Égypte le chemin des échelles de l’encens ; le souci des plaisirs de la vie présente, les exigences d’un luxe que n’enchaînaient plus les lois somptuaires devaient provoquer, chez les Romains de la décadence, un effort analogue. Ce fut sous l’empereur Claude, dans la septième année de son règne que la géographie accomplit cette inappréciable conquête : la découverte d’une route directe vers la terre des épices. La mémoire de Claude en resta révérée à jamais chez les alexandrins.