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REVUE LITTÉRAIRE

LES ROMANS DE PIERRE LOTI.

Aziyadé, 1879. — Le Mariage de Loti, 1880. — Le Roman d’un spahi, 1881. — Fleurs d’ennui, 1882. — Mon Frère Yves, 1883, 5 volumes; Calmann Lévy.

C’est vraiment un plaisir, c’est une satisfaction d’une espèce assez rare, quand on a pu craindre qu’un écrivain, jeune encore et d’un réel talent, n’allât compromettre ses meilleures qualités dans une voie qui n’était peut-être pas précisément la bonne, de le voir de lui-même reconnaître son erreur, et, comme l’auteur du Mariage de Loti, revenant un beau jour à la vérité, nous donner Mon Frère Yves après le Roman d’un spahi. S’il y avait en effet quelques qualités dans ses premiers récits, il y avait bien des défauts; s’il y avait certainement du talent, il n’y était pas toujours employé comme il eût fallu : trop d’exotisme, si je puis ainsi dire, et, selon l’aveu de l’auteur lui-même, trop d’amour troublant. Souhaitons au moins que Mon Frère Yves ait marqué dans le progrès du talent de Loti une époque décisive, et puisse le succès assuré de sa nouvelle manière le préserver de retomber désormais dans les affectations de l’ancienne! Les vrais et bons naturalistes commencent décidément à se sentir honteux de se voir dans le miroir que leur présentent leurs maladroits imitateurs; en s’y reconnaissant, ils se condamnent; l’auteur de la Faustin s’indigne d’avoir couvé celui de Ludine, et Charpentier lui-même rougit en feuilletant les livres que publie à Bruxelles Henry Kistemseckers.