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dire, par la plupart des députés dont se compose l’Union républicaine. Quelques-uns cependant ont accompagné leur approbation de quelques réserves et laissé percer des inquiétudes. Ils trouvaient fâcheux que M. le président du conseil eût paru prendre à partie tous les radicaux sans distinction. S’il les avait consultés, il eût déclaré nettement qu’il y a deux radicalismes qui n’ont rien de commun, que l’un est un système, une doctrine raisonnable et raisonnée, que l’autre est une pernicieuse extravagance. Les députés qui font partie de l’Union républicaine se disent tous radicaux et tiennent beaucoup à ce titre, mais ils se disent aussi opportunistes, quoique ces deux étiquettes ne s’accordent guère. Dans le fait, l’Union républicaine est moins unie qu’il ne semble. Quelques-uns de ses membres sont plus radicaux qu’opportunistes, les autres sont beaucoup plus opportunistes que radicaux. Le vrai radical est celui qui est toujours prêt à sacrifier les colonies aux principes, et les hommes les plus influens de l’Union républicaine ont de grands égards pour les colonies, ils en ont aussi pour le bon sens. Ce sont les vrais amis du ministère. Dieu nous garde de les en blâmer!

Ce qu’il faut accorder aux membres de l’Union républicaine qui sont plus radicaux qu’opportunistes, c’est qu’ils représentent le vrai radicalisme et que les intransigeans ont commis une usurpation en leur contestant leur titre pour se l’approprier. Un Anglais, fort curieux de politique continentale, était venu récemment en France, pour y étudier l’état des partis. Il constata, dès le premier jour, qu’on baptisait du même nom, qu’on enrôlait dans la même armée des hommes qui passent pour être autoritaires et d’autres qui sont les ennemis jurés de toute autorité. Il en conclut que la France était en proie à la confusion des langues et il renonça à poursuivre son enquête.

Le fait, est que le véritable radicalisme, le radicalisme classique, s’est toujours montré autoritaire. C’est en Suisse qu’il faut l’étudier pour se rendre compte et de sa foi et de ses œuvres, car c’est en Suisse que ses destinées ont été les plus heureuses, c’est en Suisse qu’il a su arriver et se maintenir au pouvoir. Les gouvernemens qu’il a renversés dans la plupart des cantons joignaient à beaucoup de qualités de nombreux petits défauts qui ont fiai par leur nuire. Ils se recrutaient dans une haute bourgeoisie un peu fermée. Fière de sa fortune, de son influence, de ses lumières, elle était jalouse de son autorité, qu’elle n’entendait partager avec personne. Ces honnêtes gens, très attachés au bien public, étaient d’excellens administrateurs, et ils avaient beaucoup de vertus, mais leurs vertus n’étaient pas toujours aimables. Il y avait de prodigieuses exagérations dans le mal qu’on disait d’eux, on les calomniait à plaisir. Un journal intransigeant prétendait l’autre jour que le Dahomey seul pouvait nous envier notre gouvernement. Croirons-nous que