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« 1o Les harmoniques, correspondant aux vibrations simples d’un mouvement aérien composé, existent dans la sensation même, mais n’arrivent pas toujours jusqu’à la vibration consciente ; » dites plutôt : jusqu’à la discrimination consciente, jusqu’à l’analyse.

« 2o On peut en avoir la perception consciente sans autre secours qu’une direction régulière imprimée à l’attention. » — Donc, encore une fois, l’attention ne fait qu’analyser dans la conscience ce qui existait déjà synthétiquement dans la conscience même. Ainsi, quand on produit au moyen des résonateurs deux sous déterminés, d’abord successivement, puis simultanément, on arrive encore à les distinguer tous deux au moment où ils résonnent ensemble, mais pas pendant longtemps : « Peu à peu la note aiguë se fond tout à fait dans la note grave et produit un changement de timbre caractéristique, comme le changement d’un ou en o. » — C’est la fusion de deux états de conscience, non de deux états inconsciens.

« 3o Même dans le cas où les sous harmoniques ne sont pas perçus isolément et où ils se fondent dans la masse, leur existence est accusée dans la sensation par la modification du timbre, » — Oui, mais cette modification a lieu dans la conscience, entre des sensations dont chacune était déjà dans la conscience. Les faits invoqués par Helmholtz prouvent donc simplement que la sensation consciente est composée, comme nous l’avons reconnu tout à l’heure, qu’elle n’est pas seulement une addition, une somme arithmétique, mais un mélange et une combinaison chimique des sensations élémentaires. Ce qu’on ne nous a nullement démontré, c’est que les sensations composantes soient hors de la conscience, soient inconscientes. La seule conclusion légitime, c’est donc que le conscient est une combinaison de faits de conscience qui, pour être indistingués dans la conscience, ne sont pas inconsciens. Dans un morceau exécuté par un orchestre, un Beethoven distinguera toutes les parties des divers instrumens ; il pourra suivre l’un ou l’autre et le prendre en faute au besoin, même pour une nuance négligée[1]. Au contraire, le premier auditeur venu ne pourra pas se livrer à ce travail d’analyse : cependant tous les deux ont la même sensation générale d’ensemble. Peut-on en conclure que la sensation de l’ensemble soit composée d’élémens inconsciens ? Non ; car chacun des instrumens produit pour sa part une sensation consciente, et il la produit sur l’auditeur ordinaire comme sur Beethoven ; seulement ce dernier peut faire une analyse qui est impossible au premier. Comme chaque instrument à son tour, et même chaque son de chaque instrument, est à lui seul un orchestre, selon les découvertes de la physique

  1. C’est ce que fit un jour Meyerbeer, à l’Opéra, pour une simple nuance d’un second violon.