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répéter ces harmoniques comme les échos du son émis. La voyelle est donc une combinaison de plusieurs sous en un son nouveau. Cette combinaison n’est pas, dit M. Colsenet, le résultat d’une simple composition de mouvemens extérieurs « qui donneraient lieu à une sensation nouvelle, mais immédiate encore. » En effet, la décomposition du son est possible dans la conscience même ; il faut donc que chacun des sous composans produise un effet propre « dans l’esprit » quand nous avons conscience du tout. De plus, pour expliquer la multiplicité des sensations et leurs rapports, on admet que certaines parties de l’oreille, soit les fibres de Corti, soit, selon la dernière hypothèse, les fibres de la membrana basilaris[1] peuvent être considérées comme les cordes d’un instrument, dont chacune répond par influence à un son déterminé. Dans un son composé, chaque harmonique provoque donc les vibrations d’une fibre spéciale ; « dès lors, conclut M. Colsenet avec Helmholtz, il est difficile de croire qu’une sensation propre, un fait psychologique élémentaire ne réponde pas à ces vibrations : aussi la simple attention peut-elle rendre consciente l’une ou l’autre de ces sensations correspondantes. »

Il y a ici, ce semble, une inconséquence de raisonnement. Il est parfaitement vrai qu’une sensation originale n’est pas toujours une sensation simple, mais bien une sensation composée de « faits psychiques élémentaires ; » seulement, au lieu de supposer qu’elle est composée de faits inconsciens, on peut aussi bien croire qu’elle est composée de sensations plus ou moins conscientes, et M. Colsenet en donne lui-même la preuve quand il dit que « la simple attention » peut les faire distinguer. — Comment, demande aussi Helmholtz, notre attention peut-elle s’attacher à l’élément particulier et distinct de la sensation, s’il n’a encore aucune existence dans notre esprit[2] ? — L’argument peut se retourner, et nous demanderons à Helmholtz : — Comment pouvez-vous faire attention à cet élément et en prendre une conscience distincte, s’il n’est pas déjà présent à votre conscience sous une forme vague et indistincte ? Dans l’attention, l’idée de ce qu’on cherche, ou une idée voisine, est un facteur qui coopère à faire discerner par la conscience l’objet cherché : l’attention met le courant nerveux dans la direction convenable pour susciter la représentation à l’état naissant ; elle agit comme un courant inducteur. Une représentation, plus l’attention à cette représentation, devient une représentation renforcée. C’est la conclusion qui nous semble ressortir du résumé même que fait Helmholtz de ses belles recherches :

  1. Helmholtz, Théorie physiologique de la musique, 3e édition, p. 560, 1874.
  2. Ibid., trad. Guéroult, p. 89.