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en mouvement nos doigts à l’occasion de nos volontés, on invoque une divinité inconsciente. Sans doute, nous ne savons pas comment il se fait que l’idée meut ; cependant, il faut remarquer que toute idée implique déjà un mouvement cérébral sans lequel elle n’aurait pas lieu : ainsi l’idée du petit doigt implique un commencement de vibration dans les racines nerveuses aboutissant du cerveau au petit doigt ; le mouvement visible dans la main n’est que la propagation et la prolongation du mouvement invisible déjà commencé dans le cerveau. La difficulté, il est vrai, se trouve reportée sur le point suivant : comment se fait-il qu’il y ait ainsi corrélation constante entre la sensation et le mouvement, entre le mental et le physique ? Mais ce n’est pas résoudre cette question que de faire intervenir un troisième terme, la volonté de l’inconscient, qui complique sans expliquer. Il n’est pas étonnant que nous n’ayons pas conscience du moyen par lequel la sensation intérieure produit un effet extérieur, parce qu’il faudrait pour cela envelopper dans notre conscience l’extérieur même, qui, par hypothèse, en est la limite. Une fois cette inexplicabilité reconnue (et elle est commune à tous les systèmes), ce qu’il y a de plus simple est de supposer que le « mental » se prolonge encore au-delà de la limite de notre conscience, et qu’il s’y prolonge sous la forme d’autres sensibilités, rudimentaires ou développées, diffuses ou concentrées. Nous n’avons pas conscience des sensations qui ne sont pas nôtres, par la raison même qu’elles ne sont pas nôtres ; mais il n’en résulte point qu’au-delà de la limite où finit notre série de sensations, il n’y ait pas encore une série de sensations ; elles peuvent constituer, ou une nébuleuse de conscience, ou un centre et un soleil de conscience claire ; bref, elles forment un u système astronomique » de mouvemens et de sensations à une période plus ou moins avancée de développement. Dans cette hypothèse, l’inconscient ne serait que la limite commune de plusieurs consciences, ou plutôt la limite commune de plusieurs séries de sensations : il serait le physique proprement dit, le côté par où les organismes, élémentaires ou supérieurs, se touchent et s’influencent réciproquement. Le fond de tout serait la conscience, et cette conscience, comme le mouvement même, serait répandue dans tout l’univers.

En tout cas, la difficulté de la communication du mouvement nous paraît identique à celle de la communication des sensations. C’est le même problème vu sous deux faces. Et ce problème donne lieu aux mêmes illusions invincibles de la conscience réfléchie. Comprendra-t-on jamais, par la réflexion et la combinaison d’idées plus ou moins abstraites et mortes, comment une bille peut transmettre son mouvement à une autre, agir où elle n’est pas, etc. ? On connaît toutes les difficultés auxquelles donne lieu le problème. Les