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le plancher; les ouvertures étaient peu nombreuses et étroites; les chambres, comme celles des Cliff-Houses, d’une petitesse extrême. Il est difficile de comprendre comment une famille pouvait vivre dans un espace de quelques pieds carrés. Quand les échelles étaient retirées, les habitans jouissaient d’une sécurité relative et parvenaient à se défendre contre des attaques qui devaient être fréquentes, si nous en jugeons par les innombrables pointes de flèche en silex, en obsidienne, en agate qui gisent au pied de ces antiques demeures. Ces villages, Cave-Towns ou Pueblos, renferment toujours un certain nombre de tours rondes, quelquefois en sous-sol, et dont plusieurs atteignent jusqu’à soixante pieds de diamètre. Elles sont construites en matériaux semblables à ceux des autres bâtimens qu’elles dominent. On y parvenait soit par une trappe placée au sommet, plus souvent par un long boyau où il fallait cheminer en rampant. Les Espagnols ont donné à ces tours le nom d’estufas; leur véritable destination reste inconnue. On a supposé, probablement avec raison, qu’elles étaient destinées à conserver le feu sacré, de tout temps l’objet du respect superstitieux des anciens Américains.

Nous nous sommes étendus sur ces habitations, les seules de ce genre connues dans l’Amérique du Nord. Leur architecture était des plus simples: rien n’était donné à l’ornementation; tous les détails montrent la nécessité de la lutte pour l’existence. Les fouilles jusqu’ici n’ont pu être que très superficielles. Le pays est infesté par les Apaches, les plus féroces des Indiens nomades, et les explorateurs chargés par le gouvernement des États-Unis de la topographie de ces nouveaux territoires, n’avaient guère le temps de se préoccuper des souvenirs du passé. Outre les pointes de flèche, on a trouvé quelques grattoirs, quelques haches en silex et, autour de chaque demeure, des fragmens de poterie en nombre vraiment extraordinaire : « on les recueille par charretées, » écrit un des voyageurs les plus récens. La céramique des Cliff-Dwellers est supérieure à celle des Mound-Builders. Elle était souvent couverte d’un vernis silicate de couleur bleue, notre ou brune, plus rarement rouge ou blanche. Les ornemens se détachent sur les parois soit en relief, soit en couleur différente de celle du fond du vase. Cette ornementation consiste généralement en méandres, en lignes géométriques, qui, par leurs dispositions diverses, rappellent celles si connues en Europe sous le nom de grecques et qui se trouvent ainsi transportées des rives de l’Adriatique aux rives du Pacifique.

L’Amérique ne ménage pas les surprises à ceux qui étudient son vieux passé; aux Mound-Builders, aux Cliff-Dwellers succèdent