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de portes et l’on ne pouvait communiquer d’un étage à l’autre que par des échelles ou par des trappes. Dans plusieurs de ces Cave-Towns, on rencontre des corrals destinés aux bestiaux, dont le séjour est attesté par du fumier en poussière. Comment parvenait-on à faire grimper des animaux par les pentes les plus raides, par les passages les plus difficiles, à des hauteurs atteignant parfois huit cents pieds au-dessus du niveau de la vallée? Comment l’homme pouvait-il apporter les matériaux nécessaires à ses constructions, les vivres nécessaires à sa famille? C’est là ce que nous ne prétendons pas expliquer. Des dangers se renouvelant sans cesse menaçaient les Cliff-Dwellers; la sécurité paraît avoir été le premier de leurs besoins; de là ces habitations perchées sur des rochers, ces tours rondes ou carrées, dans des positions admirablement choisies pour la défense, et dont les ruines restent encore debout.

C’est dans les vallées, sous la protection des tours, que s’élevèrent plus tard les pueblos, dont quelques-uns étaient encore habités lors de l’arrivée des Espagnols. Les plus grands se composaient de bâtimens rectangulaires, entourant une cour d’une régularité parfaite. Ces constructions sont tantôt en pierres, tantôt en adobes, tantôt en une sorte de conglomérat formé de petits silex, mais toujours recouvertes de plusieurs couches d’argile ; sur quelques points, au Pueblo Bonito par exemple, les murs ont été renforcés par des rondins de bois placés les uns verticalement, les autres horizontalement. Nous trouvons cette disposition dans les îles de la Grèce, exposées aux désastreux effets des tremblemens de terre ; les mêmes causes avaient amené les habitans du Nouveau-Mexique à prendre les mêmes précautions. Ne nous lassons pas de faire ressortir cette similitude de l’intelligence de l’homme, cette analogie dans ses conceptions : ce sont là assurément les faits les plus curieux qui ressortent des études que nous poursuivons.

Les Pueblos, véritables phalanstères, étaient des constructions importantes. L’un d’eux, situé auprès d’Aztec-Spring, couvrait une superficie de 480,000 pieds carrés, et on a calculé qu’il y était entré 1,500,000 pieds cubes de maçonnerie[1]. Des poutres en bois de cèdre ou de sapin, dont on se contentait d’enlever l’écorce, formaient

  1. Le Pueblo d’Aztec-Spring est le plus considérable de ceux connus jusqu’à ce jour. Il en est cependant nombre d’autres très importans. Les murs de Chettro-Kettle mesurent 935 pieds de longueur sur 40 de hauteur. Un pueblo sur la petite rivière de las Animas comptait assurément cinq, peut-être même six étages, et renfermait près de quatre cents chambres. Un des pueblos du Rio Pecos compte cinq cent dix-neuf chambres, un autre cinq cent quatre-vingts. Quelques-unes de ces chambres ne mesurent que 9 pieds sur 16; d’autres, plus petites encore, 7 pieds sur 9. La hauteur de l’étage varie de 8 à 9 pieds.