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L’ART PREHISTORIQUE
EN AMÉRIQUE


I.

On se souvient de l’étonnement avec lequel furent accueillies, il y a vingt-cinq ans à peu près, les curieuses découvertes faites en France, dans les grottes de la Vézère. C’étaient des reproductions de mammifères, d’oiseaux, de poissons, de l’homme lui-même, tantôt sculptées en relief, tantôt gravées sur les défenses d’un éléphant, sur les dents d’un ours, sur l’omoplate d’un renne, sur les os longs des cervidés, parfois sur des pierres, sur les galets de la mer ; ici le grand ours des cavernes, là, le mammouth avec son épaisse crinière et ses défenses recourbées, ailleurs, le phoque, le crocodile, le cheval. Ces dessins, premiers débuts de l’homme, sont encore bien informes ; déjà cependant ils accusent du mouvement et de la vie. Tel bois de cervidé portant des rennes et des poissons est un vrai chef-d’œuvre. Les rennes se suivent, l’un d’eux se retourne, sans doute pour voir son faon ; toutes les têtes sont dessinées de profil et sans raccourci, comme dans les peintures et les sculpture égyptiennes ; tantôt le trait est léger, tantôt il se creuse pour mieux faire ressortir certaines parties. Par un caprice assez bizarre, l’artiste, après avoir achevé son premier dessin, a placé sur tous les points laissés libres des poissons, qui, eux aussi, sont d’une étonnante vérité. M. Massenat a recueilli, à Langerie-Basse, un morceau de bois de renne de 0m,25 de longueur, sur lequel était profondément gravé un aurochs fuyant devant un jeune homme prêt à lui lancer un trait. L’aurochs a la tête basse, les cornes menaçantes, les naseaux très