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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre.

C’est la fatalité des situations dès longtemps gâtées ou compromises par les fausses politiques d’être sans cesse à la merci des surprises et des incidens malencontreux. Ces incidens, qui éclatent à l’improviste, ils peuvent sans doute avoir leur importance propre, particulièrement lorsqu’ils mettent en jeu la considération du pays, la dignité et la sûreté de ses relations avec les autres peuples ; ils tirent surtout leur signification et leur gravité de l’ensemble de choses où ils se produisent, des circonstances qui les ont préparés, qui les ont rendus possibles et à peu près inévitables. Une fois qu’ils ont commencé à défiler, ils ne s’arrêtent plus, ils s’enchaînent et se multiplient, échappant à toute direction, prenant toutes les formes, jusqu’au jour où l’on se réveille au milieu de toute sorte de complications qu’on croit pouvoir encore dominer et dont on n’est déjà plus maître.

Pourquoi les tristes scènes qui ont marqué le passage du roi d’Espagne à Paris sont-elles devenues tout à coup une si grosse et si inquiétante affaire ? Elles sont certainement par elles-mêmes pénibles et humiliantes pour une ville où un souverain étranger, le chef d’une nation généreuse, n’a pas rencontré l’accueil qui lui était dû, où il s’est trouvé des journaux pour souffler le mépris des plus simples lois de l’hospitalité, et une populace pour obéir à d’indignes excitations; elles ont créé un embarras aussi inutile qu’imprévu là où il n’y avait que des raisons de bonne intelligence et d’amitié entre deux pays. Elles ont un caractère de plus : elles ont eu surtout cela de significatif qu’elles ont dévoilé d’un seul coup et par un dernier incident le fond d’une situation, des incohérences de pouvoir, des divisions ministérielles, des conflits d’influences, des désordres intimes, des troubles d’opinion sur lesquels on se plaisait encore à se faire illusion; elles ont brusquement mis à nu ce point décisif que M. Jules