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l’usage fait de cette couleur dans la grande cérémonie du labourage. Elle est, en effet, réservée à l’empereur, qui ne se montre en public que vêtu d’habits et entouré d’ustensiles rayonnant de cette teinte solaire, comme il convient au Fils du Ciel. Cela nous paraît bien puéril. Sachons cependant tenir compte des différences fondamentales établies dès l’origine de l’humanité entre des races aussi différentes par tous leurs usages, même par les conceptions de leur esprit. Admettons que nous devons les étonner autant qu’ils nous étonnent, et constatons qu’après avoir vaincu les difficultés de leur idiome, nous rencontrons un génie scientifique et industriel tout spécial, digne du plus réel intérêt, chez ce peuple qui a été plus d’une fois déjà l’ami sincère de la France. Certaines traces de cette amitié ont disparu, même du sol qui les portait. On ne trouve plus en Chine la vigne introduite par les premiers missionnaires, si ce D’est dans les jardins du cimetière catholique où reposent, respectées de tous, les cendres de ces savans prêtres qui étaient venus apporter tant de bienfaits. Les caractères nouveaux que l’empereur Kang-hi, leur élève, avait inventés pour écrire sous leur inspiration des traités scientifiques, ne sont plus guère compris que d’un très petit nombre de dignitaires. La Chine se plaît dans une immobilité apparente, et des malheurs encore récens lui ont fait éprouver, non sans raison, quelque éloignement pour les nations de « l’extrême Occident. » Cependant aujourd’hui on n’ignore pas qu’une certaine initiation est demandée par elle à l’Europe, et les mandarins qui gouvernent la province du Yün-nan n’ont pas dû oublier encore qu’au lendemain de nos désastres, des ingénieurs français les ont aidés à créer un arsenal de guerre contre les musulmans révoltés[1] et à exploiter les richesses métallurgiques de leur sol. L’ouverture de la voie du fleuve Rouge était alors également désirée par les négocians français et par les négocians chinois, et il est encore à espérer que les représentans des deux nations s’aideront de ces souvenirs pour cimenter sur de nouvelles bases, sur l’estime comme sur l’intérêt, une alliance profitable à chacune d’elles.


EUG. FOURNIER.

  1. Voyez Émile Rocher, la Province chinoise du Yün-nan, 2 vol. Paris, 1879-18Î0 Ernest Leroux.