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sucrée et précieuse pour les voyages. Le cheu-dze est un des fruits dont l’acclimatation, déjà commencée par M. Dupont, paraît le plus utile à poursuivre. Quant aux oranges, il existe en Chine une grande variété de ces fruits d’or ou kin-kü, depuis les pamplemousses, (yus) jusqu’aux mandarines nommées kan, c’est-à-dire parfum. Nous n’avons pas besoin de rappeler qu’on les fait confire.

Tel est l’aperçu simplement sommaire des ressources que l’admirable industrie de ce peuple a tirées des richesses naturelles de son sol en vue de l’alimentation. Encore n’avons-nous pas parlé du mauvais alcool des graines du sorgho, ni du thé, dont la culture a défrayé tant de publications, culture immense qui cependant ne suffit pas à la consommation, puisque, d’après le témoignage d’un missionnaire, depuis que le commerce en demande une si grande quantité, on y mêle une large proportion de plantes étrangères. Il est à espérer que les plantations de thé faites par l’administration anglaise sur les pentes de l’Himalaya obvieront à cette falsification, en attendant que l’on puisse introduire dans les régions montagneuses de notre Dauphiné, sinon le Thea viridis lui-même, du moins une autre espèce du même genre, à feuilles velues, habitant un climat plus rude entre la Chine et le Tibet, et que le même missionnaire a découverte pendant un voyage des plus pénibles dans la principauté de Moupin, régie par un de ces chefs indépendans, tyranneaux de leur localité, que les jeunes Chinois du pays instruits dans les écoles catholiques aux rudimens du latin appellent du nom de regulus. Le missionnaire dont nous rappelons ici les fatigues et les travaux n’est autre que le père Armand David, membre correspondant de l’Académie des sciences pour la section de zoologie, dont les recherches ont fourni à M. Blanchard des articles encore présens à la mémoire de nos lecteurs, et dont la science n’a d’égale que sa modestie. C’est dans les voyages de ce prêtre éminent[1], qui, s’il n’est pas devenu le martyr de la foi chrétienne, a été du moins celui de la science, qu’il faudrait apprendre, des yeux d’un témoin de bonne foi, bien des détails que la nécessité d’une exposition rapide empêche de retracer ici.

Il faudrait, en effet, un volume pour continuer cet hommage à l’activité chinoise, en appréciant les différentes cultures établies en vue d’un but industriel au milieu des céréales, dans cette immense plaine qui s’étend à l’orient de l’Asie entre les deux grands fleuves, et où les édits des empereurs ont fait abattre les arbres. On n’en trouve que sur les tombeaux, où ils sont soigneusement respectés, du moins jusqu’à un changement de dynastie. Indépendamment des cultures spéciales, comme les cultures médicales d’Aconit et

  1. Les deux premiers voyages ont été publiés dans les Annales du Museum.