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comment raisonne M. Camille Sée. « La loi, dit-il, a demandé qu’il y ait pour les jeunes filles un enseignement correspondant et analogue à celui des garçons, et, dans le rapport présenté à la Chambre des députés, il était dit que cet enseignement, comme celui des garçons, devait comprendre huit ou neuf années, de neuf ans à dix-sept ans. Or qu’a fait le conseil ? Il a réduit le cours d’études à cinq années, et encore il divise ces cinq années en deux périodes dont la première est complète en trois ans et se termine par un certificat d’études, de manière que les jeunes filles puissent quitter le collège à quinze ans ; les deux années supplémentaires ne sont plus des classes, mais des cours, de sorte que les cinq années se réduisent à trois : c’est donc trois ans au lieu de neuf que l’on a décrétés ; l’esprit de la loi est entièrement méconnu. »

Il est facile de répondre à cette argumentation. La loi a voulu, en effet, que l’enseignement secondaire des filles correspondît à celui des garçons ; mais il ne faut pas oublier que nous avons aujourd’hui dans nos lycées deux sortes d’enseignemens secondaires, l’un destiné aux études classiques, l’autre à ce que l’on appelle l’enseignement spécial : c’est celui qui a été fondé par M. Duruy et qui vient aussi d’être remanié par le conseil supérieur. Auquel de ces deux enseignemens devait être assimilé celui des jeunes filles ? Au second sans aucun doute, et par une raison péremptoire, c’est que, dans l’enseignement classique, nos jeunes gens apprennent tout ce qu’apprendront les jeunes filles, mais de plus le grec et le latin. Ces deux études, qui sont encore malgré tout la base de tout le reste, font défaut dans l’enseignement des filles, et demandent donc par là même plus de temps. Comment donc calquer l’enseignement nouveau sur un type absolument différent de celui qu’il faudrait appliquer ? Au contraire, l’enseignement spécial, qui est un enseignement tout moderne, est absolument le même que celui des filles, sauf un plus grand développement donné aux sciences. En supposant que cette différence quant aux sciences soit compensée par les travaux féminins proprement dits, il reste que le temps des études de l’enseignement spécial est précisément celui qui convient pour l’enseignement des filles. Or qu’a-t-on fait ? On a calqué le plan d’études pour les filles sur le plan d’études de l’enseignement secondaire spécial. On a donc admis de part et d’autre une durée de cinq années à partir de l’âge de douze ans, et on a divisé ces cours en deux périodes : une première période de trois ans avec certificat d’études à la fin, et une période de deux ans avec diplôme. Cette division est fondée sur l’expérience. Il est établi par les faits que, dans tous les établissemens d’instruction publique, il y a un très grand nombre de familles qui, se bornant au strict