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gouvernemens sont de droit humain, dit saint Thomas ; prœlatio et dominium sunt de jure humano. » S’il en est ainsi, il n’y a pas de difficulté insurmontable à reconnaître la société de 1789, qui n’est pas autre chose que l’application de ce principe. Il y a deux vérités également certaines : c’est que l’église ne peut exterminer la révolution et que la révolution ne peut exterminer l’église. Dans ces termes, il n’y a qu’une solution possible : c’est l’accord. Il faut toujours compter avec les grandes puissances ; or l’église est une grande puissance, il faut s’arranger avec elle. Nul doute qu’elle consente si on sait s’y prendre. Mais, pour cela, il ne faut pas de tracasseries inutiles, et surtout il faut se garder de blesser la conscience religieuse.

Nous sommes persuadé, pour notre part, que les passions antireligieuses de notre temps sont des phénomènes passagers qui disparaîtront d’eux-mêmes lorsque la cause qui les a produites aura disparu ; nous ne voulons pas croire que l’on puisse avoir intérêt à attiser ces passions, et c’est aux hommes sages de tous les côtés d’amener l’apaisement. En attendant, le nouvel établissement n’en sera pas moins un progrès sérieux pour le développement de la culture réfléchie. La raison, disent tous les théologiens, n’est point contraire à la foi. Développer la raison n’est donc pas combattre la foi. Nul n’a intérêt à soutenir qu’en éclairant les hommes, on les éloigne de la religion. Si les femmes prennent dorénavant une part plus grande au patrimoine commun, c’est un gain pour tous, et ce n’est un danger pour personne.


V

Il nous reste à examiner le plan d’études et les programmes votés récemment par le conseil supérieur, et à rechercher si ces programmes sont la juste mesure, si c’est là cet enseignement de femmes savantes que l’on impute au nouveau système, s’il est vrai de dire que l’on veut faire des pédantes, des raisonneuses, des libres penseuses. Il suffit de jeter les yeux sur le plan d’études pour s’assurer du contraire. Bien loin d’élever l’enseignement à un niveau exagéré, le conseil a su se défendre contre ceux qui lui ont reproché de l’avoir abaissé. En effet, dans la Revue de l’enseignement secondaire des jeunes filles, le rapporteur même de la loi, M. Camille Sée, a reproché au conseil d’avoir créé non pas un enseignement secondaire, mais seulement un enseignement primaire supérieur. Nous ne croyons pas ce grief fondé ; mais il prouve cependant que le conseil, bien loin d’exagérer, comme on le croit, le niveau des études, s’est tenu dans une juste mesure. Voici