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grands travaux de l’industrie. Foucault, moins impatient, partageait rarement son esprit; il ne changeait de terrain qu’après avoir épuisé un succès et ne laissait paraître que des œuvres parfaites. On ignorait ses essais et ses doutes. M. Deprez parle volontiers de l’idée qui l’occupe; il raconte les solutions entrevues, sans imposer le secret ni se préoccuper des droits de priorité, qu’il revendique toujours mollement et sans aigreur. Foucault pouvait, dès ses débuts, commander aux meilleurs constructeurs les instrumens les plus délicats et entreprendre à ses frais les expériences les plus coûteuses; M. Deprez, sans se ménager la faveur de personne, laissait à de mieux placés ou à de plus riches l’honneur et le soin de réaliser ses inventions. Jamais Léon Foucault n’aurait abandonné à une commission souveraine le droit de discuter ses projets, de rejeter les uns, de perfectionner les autres sans prendre conseil que du but à atteindre. M. Deprez l’a fait, il n’a pas eu à le regretter. Le hasard l’a bien servi. Il a rencontré chez de savans et loyaux officiers la curiosité, l’esprit de suite, le discernement du mérite et le désintéressement scientifique. Les artilleurs et les marins, — il est heureux de le répéter souvent, — l’ont accueilli avec cordialité et traité avec justice.

L’invention en commun n’en est pas moins pleine de périls, on le lui fit bien voir. Un projet ingénieux communiqué, à son ordinaire, à tous ceux qu’il intéressait, donna naissance au wagon d’expérience admiré au Champ-de-Mars, en 1878, dans l’exposition de l’une de nos grandes compagnies de chemins de fer. M. Deprez, pendant plus de deux ans, a appliqué à ce travail les ressources de son esprit, livrant tout sans compter, comme dans ses travaux sur la poudre. Ni l’ardeur ne fut moindre, ni l’assiduité; le génie inventif était le même et les difficultés aussi grandes. Le résultat fut différent. J’ai sous les yeux une notice sur les travaux de M. Marcel Deprez : devenue inutile avant le tirage, elle n’a pas été distribuée. Un second exemplaire en serait introuvable. A l’occasion du beau travail sur les locomotives, où il a eu tant de part, je lis les lignes suivantes, et je les cite comme un trait de caractère : « M. Deprez, — c’est lui-même qui parle, — a trouvé depuis une solution incomparablement plus simple; il n’a d’ailleurs reçu ni rémunération d’aucune sorte ni remercîment de la compagnie, qui ne lui a pas même adressé un exemplaire de la brochure descriptive du wagon, dans laquelle son nom ne figure pas. »

On a reproché à Le Verrier, avec une indignation que je n’ai jamais partagée, d’annoncer quelquefois des observations du ciel sans y attacher le nom d’aucun observateur. L’Observatoire de Paris, collectivement, en réclamait l’honneur. Voici comment les choses