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coups, après un seul peut-être, l’arme la plus solide éclaterait sous leur action. La poudre, pour les armes à feu, est aujourd’hui encore sans rivale. Dans le travail des mines, pour briser la roche, la raideur du ressort est un avantage, et la dynamite, pour remplacer la poudre, n’attend sans doute que l’abaissement des droits de fabrication et de vente.

Si j’avais à énumérer et à discuter les tentatives antérieures aux expériences de MM. Deprez et Sebert, la matière ne manquerait pas. J’ai désiré montrer seulement, de manière à ne laisser aucun doute, que la France possède, sans le savoir assez, un inventeur de premier ordre. Les excellens mémoires rédigés par le colonel Sebert apportent, par leur forme, un sérieux commencement de preuves. Une commission militaire est présidée par le savant général Frébault, elle a pour secrétaire un éminent professeur cité avec honneur dans l’histoire de la balistique, M. Helie. A côté de plusieurs noms qui sortiraient de toutes les bouches s’il fallait louer la science de nos officiers et leur ardeur au progrès, cette commission inscrit celui d’un jeune homme sans grade et sans titre, recommandé par son seul mérite. On demande ses conseils, on les suit, on adopte ses projets ; il ne s’agit pas ici d’une inspiration heureuse qui ouvre la voie; pendant trois ans entiers, ces officiers supérieurs, ces savans vieillis dans l’étude, ces mécaniciens, passés maîtres dans l’art des expériences, qui, avant et depuis, ont fait glorieusement leurs preuves, réalisent les projets de M. Marcel Deprez. Chaque difficulté lui procure un succès; on en arrive, je n’exagère rien, à lui commander des inventions. Le chronographe de Schultz est cité jusque-là comme le dernier effort de la science; on rencontre, en l’appliquant, des difficultés considérables; la précision justement vantée de l’appareil a des limites, il faut les franchir, ou sinon l’entreprise devient inutile. On expose l’embarras à M. Deprez, on le presse d’y trouver remède. Versé dans les combinaisons et dans les théories mécaniques, l’étude des courans lui était nouvelle; mais il y a urgence, et il est forcé, — je répète les paroles du colonel Sebert, — de substituer au meilleur chronographe connu un instrument réellement nouveau.

La première méthode proposée par M. Marcel Deprez à la commission pourrait s’appeler mesure statique des pressions de la poudre. Elle repose sur le principe de Pascal : la pression d’un fluide se transmet dans tous les sens, et, à toute distance, proportionnellement aux surfaces. Les mesures qu’on doit prendre et évaluer en kilogrammes peuvent donc, pour les pressions les plus grandes, être représentées par des nombres petits. La pression de la poudre, reçue sur un piston de petite surface, est transmise par